Il construit, il s'endette. Il achète un toit, il
s'endette. Il organise l'enterrement de son célibat, il s'endette. Dès qu'il a
construit, dès qu'il a acheté, dès qu'il s'est endetté, il installe, partout,
un barreaudage. Il commande la porte, porte en fer forgée par un fabricant de
coffres-forts. Le serrurier s'y donnera à cœur joie. Il lui installera serrure
sous serrure. Lui fera retrouver le sourire. D'abord sur la porte d'origine,
celle en bois et après il sécurisera le fer. Mais pourquoi le faire ? «Ya khouya ouled
el hram bezzaf». Vous voyez d'ici
le trousseau de clés qu'il trimbale. L'œil de bœuf, remplace la guérite.
N'empêche que lorsque quelqu'un frappera à sa porte, il demandera : «chkoun?»
le visiteur répondra «ana». Ça lui suffira pour ouvrir. Et vas-y. Vachette
après vachette, clés après clé. Il arrive à se libérer le geôlier. Hé oui,
c'est comme ça, On s'endette pour se mettre en taule, condamné à une vie ferme.
C'est ainsi que s'il arrive le moindre pépin, (Allah yastor), aucune issue de
secours n'est à portée de jambes. S'il y a sinistre, les pompier doivent
défoncer un mur ou se trouver une combine, entre toutes les combinaisons de
vachettes. Si ce n'est pas vache ! Le pire peut arriver, c'est pour cela d'ailleurs
que la maison, chez nous, on l'appelle «kbar eddenia». C'est bien trouvé ! On
ne vit pas chez nous, on se terre, on est enterré. Et même à l'intérieur,
chacun a sa clé. La chambre d'enfant est fermée à clé. Celle des parents c'est
normal. La salle des invités, celle qui est la mieux décorée, est fermée à
double clés. Chez nous on l'appelle «essala». Elle n'est accessible que
lorsqu'il y a des invités qu'on ne peut éviter. C'est quand même fou, mettre le
paquet sur un espace qu'on n'occupe jamais. Le frigo, aussi, on lui a trouvé
une clé. C'est de lui que dépend la gestion du ventre. Sinon c'est les fuites
de partout. Et les économies pour payer les dettes contractées pour kbar
eddenia, traîneront jusqu'au vrai kbar. Et tout ça s'appelle vivre. Alors vivez,
vivons fi kbar eddenia.