|
Envoyer à un ami |
Version à imprimer |
Version en PDF
C'est une
mécanique implacable qui se joue en Ukraine où les russophones se sentant
frustrés et menacés par une révolution «orange» à Kiev, ouvertement soutenue
par l'Europe, entament, à leur tour, leur «révolte» contre le nouveau pouvoir.
En cherchant appui, sans aucune surprise, chez le voisin russe.
La Crimée bouge et défie le nouveau pouvoir qui s'est installé à Kiev après la «destitution» du président ukrainien, Viktor Ianoukovitch, qui, réapparu en public, a accusé les Occidentaux de soutenir des «néofascistes» et s'est même étonné du «silence» de Vladimir Poutine. Mais la mécanique centrifuge, libérée par l'incapacité à résoudre la crise entre Ukrainiens, attisée par l'ingérence occidentale, continue son œuvre. Après la révolte contre le président Viktor Ianoukovitch, l'une des premières décisions du «nouveau pouvoir» à Kiev a été d'abolir la loi sur les langues régionales. Exit donc le russe. Décision vécue dans la partie russophone du pays comme l'illustration de ce qui les attend. Du coup, une nouvelle révolte se met en place. La Crimée, très majoritairement russophone, est en état de défiance à l'égard du pouvoir de Kiev, voire sur la voie de la séparation. Les deux aéroports de la péninsule sont aux mains des russophones en tenue militaire, des blindés se sont déployés sur les routes. Des brigades populaires ont pris le contrôle du centre-ville à Sébastopol où stationne la flotte russe de la mer Noire. COMME LES OCCIDENTAUX, LES RUSSES «ACCOMPAGNENT» Moscou y est pour quelque chose ? Probablement, mais les Russes «accompagnent», comme les Occidentaux l'ont fait à Kiev, la mécanique centrifuge qui s'est emballée. Le président intérimaire installé à Kiev, Olexandre Tourtchinov, accuse la Russie de mener une «agression» et lui demande de retirer ses troupes. L'ambassadeur russe à l'ONU rappelle placidement que l'accord conclu sur le statut de la flotte de la mer Noire - un bail de 32 ans - autorise la présence d'un contingent russe de 25.000 hommes. Moscou reste dans les formes: il y a eu un accord politique entre Ianoukovitch et l'opposition ukrainienne, le 21 février, il faut le respecter. Or, pour Kiev et les Occidentaux, l'accord est «dépassé» par la révolution. Du coup, les russophones qui regardent vers Moscou font la même chose: ils dépassent l'accord à leur tour. La Russie, qui considère qu'elle est directement visée, ne va pas faire de cadeau au nouveau pouvoir à Kiev. Le ministère russe des Affaires étrangères estime d'ailleurs que ce qui se passe en Crimée est le «résultat de processus politiques internes». Au Conseil de sécurité, le représentant de la Russie aux Nations unies, Vitali Tchourkine, a déclaré que son pays agissait dans le cadre de ses accords avec Kiev. Barack Obama s'est dit préoccupé par les informations faisant état de mouvements militaires à l'initiative de la Fédération de Russie en Ukraine. «Les Etats-Unis seront d'accord avec la communauté internationale pour affirmer qu'une intervention militaire en Ukraine aurait des coûts», a-t-il ajouté. Aucune indication n'a été donnée sur ce coût qui pourrait se traduire par le boycott du sommet du G8 prévu en été à Sotchi. UNE GUERRE FROIDE ET UN GRAND PERDANT Mais la marche de la dislocation est déjà un «coût» pour une «révolution ukrainienne» qui se fait contre une partie de la population avec l'appui, ouvert, des Occidentaux, trop heureux de jouer un «tour» à Moscou. Au risque de jouer les apprentis sorciers. A Kharkiv, grande ville de l'est de l'Ukraine, des russophones ont affronté les partisans des nouvelles autorités ukrainiennes. Des milliers de personnes, brandissant le drapeau russe, se sont rassemblées devant le siège du gouvernement régional avant de l'investir. En Crimée, le Premier ministre Sergiï Axionov, qui ne reconnaît pas le pouvoir à Kiev, a demandé à Poutine de «l'aider à assurer la paix et le calme». La Crimée a décidé d'avancer le référendum pour plus d'autonomie au 30 mars au lieu du 25 mai. La chambre basse du Parlement russe, la Douma, a demandé samedi matin au président Vladimir Poutine de «protéger par tous les moyens» la population de Crimée «contre l'arbitraire et la violence». En début d'après-midi, Poutine est sorti de son mutisme et a demandé au Conseil de la Fédération (chambre haute du Parlement) d'approuver le recours à l'armée russe en Ukraine jusqu'à la normalisation de la situation. «En raison de la situation extraordinaire en Ukraine et de la menace pesant sur la vie des citoyens russes, de nos compatriotes, des forces armées russes déployées en Ukraine, M. Poutine a demandé au Conseil de la Fédération d'autoriser le recours aux forces armées russes sur le territoire de l'Ukraine, jusqu'à la normalisation de la situation politique dans ce pays», selon un communiqué du service de presse du Kremlin. Ce n'est pas une surprise. Il y a eu une action à Kiev, soutenue par les Occidentaux. Il y a désormais une réaction dans le pays russophone que Moscou soutient à son tour. Dans cette partie qui continue la vieille guerre froide, l'angélisme n'est pas de mise. Il y a clairement un grand perdant: l'Ukraine qui n'a pas su résoudre, par elle-même, sa crise. |
|