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Oran : Le procès des faux bacs de nouveau renvoyé

par Houari Saaïdia

Le procès de l'affaire des faux bacs qui était programmé pour l'audience d'hier devant le tribunal d'Oran a été reporté encore une fois. En effet, après un petit branle-bas de combat -qui relève du classique judiciaire, somme toute- mené par les robes noires, le tribunal a décidé de renvoyer le procès au 24 mars à la demande de plusieurs avocats. La fois passée, le tribunal avait également accédé à la requête des avocats de la défense qui avaient argué alors de la non-présence de bon nombre de personnes citées dont des prévenus qui n'auraient pas reçu à temps, selon eux, la convocation devant la justice. Un contingent de personnes, en fait pas moins de 123, figure sur la liste des accusés dont la plupart comparaissaient libres, entre « vrais-faux » étudiants (dans les facultés de droit, science-éco et médecine notamment), fonctionnaires de l'administration universitaire et autres intermédiaires.

Pour rappel, l'affaire, qui avait fait grand bruit, a éclaté il y a un an lorsqu'une dénonciation a été faite au sujet d'étudiants ayant eu accès à la faculté de médecine grâce à de faux bacs et de faux relevés de notes. L'enquête, qui fut confiée à la gendarmerie, durera 9 mois et mettra au jour un scandale bien plus grave, vu l'ampleur de la fraude et de la qualité de certaines personnes directement concernées, à savoir des enfants d'avocats très connus à Oran, des fils et filles de médecins et de hauts responsables de l'État. Dans la chaîne mise en place pour le traitement des dossiers des nouveaux bacheliers, de la préinscription au centre unique, au niveau du vice-rectorat de l'université qui chapeaute 12 départements, jusqu'à l'inscription finale à l'institut vers lequel le candidat a été orienté, en passant par la vérification du bac, via l'OREC (Office régional des examens et concours), il y a lieu de relever qu'il n'y avait pas de coordination entre le premier maillon et le tout dernier.

Selon le système adopté, le bachelier se présente au vice-rectorat de l'université muni de l'attestation de réussite au bac (un document administratif délivré à titre provisoire au bachelier pour, entre autres, les besoins d'une préinscription et ce, en attendant la délivrance du diplôme proprement dit au niveau central, à Alger, lequel prend beaucoup de temps), du relevé de notes (bulletin exhaustif des notes obtenues pour chaque module par le bachelier à l'examen du bac, avec la moyenne générale et la mention) ainsi que d'un dossier administratif. Le service dépendant du vice-rectorat garde le dossier, y compris les originaux de l'attestation provisoire de réussite -qu'on appelle «le bac», tout court- et du relevé de notes et oriente le candidat vers l'institut ou le département qui lui convient, en fonction d'un nombre de critères, dont en premier lieu, la moyenne générale et les notes obtenues au bac dans les matières dites «essentielles». Du bac et du bulletin de notes le bachelier ne gardera que des photocopies légalisées. Un contrôle de l'authenticité du bac et du relevé de notes qui lui est rattaché se fait par le vice-rectorat en collaboration avec l'OREC qui centralise toutes les données relatives à la liste des lauréats du bac, du BEM et de l'examen de sixième. A ce niveau-là, pas moyen donc de passer sous le nez de l'administrateur un bac ou un bulletin falsifié. Ensuite, le bachelier se présente auprès de l'administration de l'institut, la faculté ou le département vers lequel il a été orienté et, au moyen des photocopies du bac et du relevé de notes, s'y inscrit. Autrement dit, la structure pédagogique d'accueil admet et inscrit le bachelier sur dossier présenté par lui. Et c'est là où réside, justement, la faille, accentuée par une communication trop lente, voire carrément absente, entre la structure d'accueil et le service centralisé au rectorat.

C'est ce point de dysfonctionnement du mécanisme d'inscription qui a été exploité par les mis en cause, selon des sources proches du dossier. Avec ce dispositif, le rectorat, quant à lui, ne pourrait détecter le faux qu'en fin de cursus de l'étudiant, à l'occasion de l'examen du parcours pédagogique.