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Le manifeste Nabni pour détacher l’Algérie du «jeu de dés» de la rente

par Oussama Nadjib

Le groupe Nabni («Notre Algérie bâtie sur de nouvelles idées» n’a pas hésité à rendre public, samedi, un «Manifeste pour une voie nouvelle» dans un contexte électoral qui aurait pu être dissuasif. Critiqué au début pour son «apolitisme» présumé, le groupe n’a pourtant pas hésité de lancer un appel pour que l’on cesse de faire dépendre l’avenir de l’Algérie de l’issue risquée d’un «jeu de dés».

Ce n’est pas un appel partisan mais c’est une alarme très politique qu’a lancée le groupe Nabni en appelant à l’avènement d’un Etat de «DROITS». Six lettres qui forment tout un programme pour changer la gouvernance du pays. Les mots classiques de démocratie, de libertés, ne sont pas directement cités, mais ils sont bien présents en filigrane. Apparemment moins par pudeur politique que par une volonté de focaliser sur l’urgence de sortir de la rente, de s’en détacher. Car, il y a de l’impatience dans l’air ! Comme un sentiment que l’appel déjà lancé à prendre le «virage» pour éviter l’iceberg n’a pas été entendu. Même si Nabni a été invité à la messe de la tripartite, le message semble être si peu passé que l’idée d’un Manifeste qui s’adresse à la société civile est devenu pressante. D’où la préconisation des six ruptures en forme de DROITS : D pour se «détacher de la rente» et cela concerne aussi bien l’Etat que la société ; R pour l’obligation pour les responsables à tous les niveaux d’être «redevables» de leurs actions et de devoir rendre des comptes ; O pour «ouvert au changement», I pour «Inclusif», T pour transparent… et S pour un Etat stratège.

LE PROBLEME EST DANS LE MAKING-OFF

Mais encore, une fois, Nabni risque de prêter le flanc à l’accusation de naïveté, ces «ruptures» étant assez largement partagés avec quelques nuances que l’on soit de «droite» ou de «gauche». Tout le problème est dans le «making off». Comment faire de telles ruptures alors qu’il n’y a pas de signe d’un quelconque virage dans le mode de gouvernance même si les signaux se multiplient sur le fait que le «détachement de la rente» va se faire par épuisement de ressources et non par un choix de «stratégie politique». En appelant à un engagement collectif dans un «nouveau contrat social entre l’Etat et la société», Nabni pourrait essuyer le reproche de compter sur un «bon sens» abstrait alors que manifestement ceux qui détiennent les leviers du système ne sont pas convaincus qu’un changement peut les servir tout en servant la collectivité. Mais, on peut penser aussi que publier un «Manifeste» est aussi un appel à une implication des acteurs de la société pour élaborer des solutions et créer les conditions – en termes militants classiques on dirait «créer le rapport de forces» - en faveur du changement. Les raisons de le faire ne manquent pas et c’est ce qui fait la force de l’appel même si cela relève du constat.

A BOUT DE SOUFFLE

Le modèle économique et social fondé «entièrement» sur les hydrocarbures est à bout de souffle, l’évolution même du marché avec l’émergence de nouveaux producteurs et la baisse de nos capacités de production et d’exportation «rendent très probable une prochaine crise profonde si nous ne changeons pas de cap». «Compter sur la rente revient à perpétuer les causes profondes de notre sous-développement. Spéculer sur son devenir et espérer qu’elle sera encore longtemps à nos côtés revient à faire dépendre l’avenir de l’Algérie de l’issue risquée d’un «jeu de dés». Mais comment sortir du «jeu de dés» pour reconstruire quand l’axiome cartésien qui veut que «bon sens est la chose du monde la mieux partagée» ne semble pas avoir cours en Algérie ?