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L’Algérie est depuis 9 ans sur un «plateau ondulé» de son profil de production d’hydrocarbures. Pour les spécialistes réunis ce week-end, cela veut dire que le peakoil est là. Seul problème, le ministre de l’Energie et des Mines ne l’entend pas ainsi. Jamais ambiance n’a été aussi lourde lors d’un forum de pétroliers supposé célébrer un glorieux évènement, la nationalisation des hydrocarbures le 24 février 1971. Ce samedi à l’hôtel Hilton, à l’initiative du club Energy aidé en cela par l’association des anciens de l’Institut Algérien du Pétrole (IAP), une salve d’interventions matinales a montré toute la distance qui sépare aujourd’hui la réalité du potentiel algérien d’hydrocarbures et les déclarations triomphales du premier responsable du secteur, Youcef Yousfi, relayés par son principal conseillé et par le DG de Sonatrach Abdelhamid Zerguine. Les communications de Nazim Zouiouèche, Abdelmadjid Attar, Nourredine Aït Laoussine, tous les trois anciens patrons de Sonatrach et, dans le cas de Aït Laoussine, ancien ministre de l’énergie et des mines, ont pris toutes les précautions d’usage. Le message, par des chemins d’analyse différents est le même. «L’Algérie n’arrivera pas à redresser sa production de pétrole et de gaz» entrée en déclin depuis 2008. Seulement 45 milliards de m3 exportés en 2013 Un chiffre à glacé l’assistance. Il se murmurait jusque-là, Nourredine Aït Laoussine a annoncé que les exportations de gaz naturel de l’Algérie en 2013 n’étaient que de 45 milliards de m3. Bien sûr il ya l’effet Tiguentourine qui a fait perdre près de 8 milliards de m3 en 2013. Mais cela serait resté très loin des 65 milliards exportés en 2005. Et encore plus loin des prévisions d’exportations à 2012 de l’ancien ministre de l’énergie et des mines, Chakib Khelil : 85 milliards de m3. L’ancien ministre de l’énergie du gouvernement Sid Ahmed Ghozali, a affirmé «avec tout le respect que je dois au ministre de l’énergie, je pense que le doublement de la production de gaz naturel en 10 ans qu’il a annoncé est impossible. A cause de la réalité du potentiel, et de la lenteur connue de la mise en œuvre des investissements chez nous». Nazim Zouiouèche a soutenu de son côté que le gaz de schiste dont on parle beaucoup, «permettra au mieux de ralentir la perte des quantités de gaz conventionnel des prochaines années». Mais son coût d’extraction est encore totalement inconnu en Algérie, et son exploitation ne peut être envisagée avant 10 ans au moins. Entre temps les effets du trou d’air de la production se feront très sérieusement ressentir. Abdelmadjid Attar a affiché un slide qui montre qu’au rythme de croissance de la consommation interne de gaz naturel (10% en moyenne), et si la courbe de production continuait de baisser, l’Algérie devra commencer à baisser volontairement ses exportations de gaz naturel entre 2018 et 2022 pour faire face à la demande interne en électricité et en gaz. Sid Ahmed Baghdadli, présenté par ses pairs comme le plus fin connaisseur de l’amont pétrolier algérien, avait dressé le premier le tableau alarmiste des deux profils des réserves et de la production. Il a expliqué la théorie du PeakOil de l’américain Hubbert, dont les prévisions en 1956 sur le pic de production américain de pétrole autour de 1970 s’était avéré juste. Il l’a ensuite appliquée sur les courbes algériennes de renouvellement des réserves et d’évolution de la production pour conclure que l’Algérie est sur un plateau ondulé synonyme de PealOil. Il a déclaré «plus grande sera la chute», pour les pays qui n’ont pas su voir venir ce peakoil. LA CROISSANCE DE LA DEMANDE INTERNE INSOUTENABLE Si les nouvelles sur le front de la production d’hydrocarbures rapportées par les anciens managers du secteur de l’énergie sont critiques, celles qui concernent la progression de la demande ne rassurent pas plus. Mustapha Mékidèche, expert énergétique, a rappelé que pendant que la croissance de la demande en gaz naturel était de seulement 2,5% dans le monde l’année dernière, elle était de 12,4% en Algérie où 35 milliards de m3 ont été nécessaires pour faire face à la demande. Une prévision résume le stress : en 2030 au rythme de croissance actuelle de la demande, il faudrait 85 milliards de m3 de gaz naturel conventionnel, pour générer une production de 42 GW d’électricité. Autant dire, expliquentunanimement les spécialistes, que des incertitudes pèsent sur la capacité de l’Algérie à mobiliser ces volumes de gaz naturel pour sa seule consommation interne.Tous les intervenants ont décrété l’urgence de la fin de la politique de subvention des prix des produits énergétiques comme première incitation pour stopper l’hémorragie du gaspillage. Ait Laoussine a montré que même en faisant passer la croissance de la demande interne de 10% à 5% par an au-delà de 2020, l’horizon 2030 serait critique pour soutenir à la fois l’approvisionnement interne et une partie des contrats de livraison de gaz à l’international. «Il est urgent de changer de cap dans la politique énergétique» a-t-il décrété. Il faut bien sur renouveler les réserves par la relance du partenariat avec les firmes étrangères mais «sans doute ne plus produire en pleines capacités. Nous devons remettre un plafond d’exportation et penser à nos enfants» propose Ait Laoussine. Un discours aux antipodes de l’orientation de Youcef Yousfi qui ne reconnait ni le déclin pétro-gazier algérien, ni ses conséquences pratiques. La rencontre avait pour thème la transition énergétique et avait dédié son après midi aux énergies renouvelables. Pour Nazim Zouiouèche et Abdelmadjid Attar, la part la plus importante de la génération de l’électricité doit être d’origine solaire. Avec l’hybridation par le gaz, le coût du kilowatt heure solaire approche déjà la fourchette 10 et 15 dollars le kilowatt-heure. Le solaire concentré est clairement le pivot annoncé du futur mixte énergétique algérien. Mais là aussi, le ministre de l’énergie et des mines n’a manifestement pas d’autres opinions que la continuité du modèle énergétique carboné et gaspilleur. L’écart entre sa politique et les avis des experts n’a jamais été aussi béant. |
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