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Il évoque la crise, l'armée et l'Etat : Hamrouche sort de son silence

par Moncef Wafi

Mouloud Hamrouche, celui qu'on n'attendait plus, est, enfin, sorti de son silence qui a presque l'âge de la mandature présidentielle de Bouteflika, depuis qu'il s'est retiré de la course à El Mouradia, en 1999. L'ancien chef de gouvernement sous Chadli s'est fendu, hier, d'un communiqué didactique qu'il est difficile d'interpréter, tant la situation politique actuelle reste frappée du sceau de l'incertitude. Restent les mots forts, les phrases à souligner et surtout les lectures à faire de cette sortie publique qui, a priori, n'engagent pas l'homme des réformes, mais le placent dans le rôle de l'observateur averti qui englobe du verbe et de son expérience, les derniers événements qui ont ébranlé et secouent, encore, le pays. Sans s'impliquer ou donner des précisions sur le contenu de son texte et de ses intentions futures, Mouloud Hamrouche place l'Armée dans le cœur de son message politique, lui consacrant plusieurs passages. Actualité oblige, il évoque l'institution militaire en termes élogieux rappelant que c'est grâce à l'ALN puis l'ANP que le projet national a pu voir le jour et être conforté et défendu par la suite. «Cela n'a été possible que grâce aux hommes qui ont su trouver des compromis et élaborer des consensus. A chaque étape et à chaque crise, ces hommes ont su préserver l'unité des rangs, la discipline et transcender, tout clivage culturel, tribal, régional, en préservant l'identité et le projet national», peut-on lire dans le même communiqué.

Il explique, plus loin, que l'Armée ne peut assurer pleinement sa mission qu'à condition de garantir un contre-pouvoir au pouvoir en place qui ne peut exister, quant à lui, en dehors de la loi et loin de tout contrôle. «Il y va de l'intérêt et de la sécurité de l'Algérie, de tous les Algériens et de toutes les régions du pays», affirme-t-il. L'ancien chef de gouvernement ne cache pas, par ailleurs, la solennité du moment et souligne toute la sensibilité des événements actuels qui vont conditionner l'avenir «immédiat» du pays et le configurer après le 17 avril, sans pour cela que son sort ne soit lié, forcément, à un quatrième mandat de Bouteflika ou non. Mouloud Hamrouche pressent, également, l'émergence de «nouvelles générations» aux postes de responsabilité pour peu que «les différents intérêts de groupes, de régions et de minorités soient préservés et garantis». Continuant sur sa lancée, il tient à rappeler à l'Etat son rôle dans la préservation des droits et des libertés.

Le communiqué s'interroge, aussi, sur la nécessité d'un retour en arrière et de rappeler les promesses faites d'édifier un Etat de droit qui «survit aux hommes, aux gouvernements et aux crises». Et Mouloud Hamrouche de s'interroger sur l'engagement pris de poursuivre le processus démocratique et la promesse de continuer la réforme. En filigrane, on devine que le destinataire ne peut être que l'institution militaire, omniprésente dans les prises de décision. Le ton est presque à la menace, à peine voilée, de divulguer des secrets, des alliances ou encore des deals, entre l'Armée et la classe politique, mais en absence d'indices forts de l'ex chef de gouvernement, on ne peut que se contenter d'extrapolations parfois hasardeuses.

En parlant de crise dans la chute du communiqué, il affirme, clairement, que l'Algérie a deux options : soit de saisir l'opportunité qui s'offre au pays soit ouvrir une nouvelle page de violence. En choisissant ce moment pour s'exprimer publiquement, Mouloud Hamrouche tient-il à se rappeler au bon souvenir des vrais décideurs, cherche-t-il à se replacer dans la course à la présidentielle ou n'est-il mû que par un sentiment patriotique qui a peur pour l'avenir de son pays ? L'avenir immédiat nous répondra.