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Hamrouche : le sphinx

par Kharroubi Habib

Silencieux depuis une éternité au point qu'on le disait avoir renoncé à toute ambition politique, l'ancien chef du gouvernement Mouloud Hamrouche est sorti de son silence en rendant publique une sibylline déclaration. En apparence, Hamrouche a joint voix à ceux qui inquiets par la tournure qu'a prise le débat politique dans le pays à l'approche d'une élection présidentielle dont les enjeux suscitent des affrontements au sommet et dans les institutions de l'Etat, ont interpellé décideurs et acteurs politiques à mettre les intérêts de la nation au-dessus des leurs.

Mais ce que l'ancien chef du gouvernement a développé se décrypte comme un véritable programme électoral. Ce qui ne manquera pas de relancer l'hypothèse que Mouloud Hamrouche n'a finalement pas renoncé à se mêler au jeu politique et que son inattendue déclaration n'est rien moins qu'une «offre de service». Il s'est gardé de toute allusion qui pourrait s'interpréter comme une prise de position en faveur de l'un ou de l'autre clan dont les divergences ont éclaté au grand jour. Il leur a seulement suggéré de se comporter comme l'ont fait leurs prédécesseurs en d'autres temps et crises à savoir «trouver le compromis et élaborer des consensus» qui ont préservé l'identité algérienne et notre projet national.

La sortie de Mouloud Hamrouche en ce moment sensible pour l'Algérie va faire des vagues et relancer les supputations. En effet, alors même qu'il était emmuré dans le silence et en retrait des scènes politique et médiatique, l'ancien chef du gouvernement était régulièrement cité comme un possible «joker» du pouvoir. Il a été entre autres fait la supputation qu'il pourrait bien être la personnalité à qui ce pouvoir a songé attribuer la fonction de «vice-président» appelé à suppléer un Bouteflika investi d'un quatrième mandat mais dans l'incapacité physique évidente d'exercer pleinement sa charge présidentielle.

En rompant son silence, Hamrouche accrédite en tout cas l'hypothèse qu'il n'est pas le retraité politique que d'aucuns ont pensé qu'il était devenu. S'est-il manifesté en réponse à des sollicitations ou uniquement parce que lui aussi inquiet des risques que fait peser sur le pays la crise au sommet du pouvoir ? Répétons-le, ce que Hamrouche a développé dans sa déclaration n'est rien moins qu'un programme électoral qui le fait apparaître comme l'acteur politique susceptible de préserver les intérêts des clans qui s'entredéchirent mais en même temps apte à opérer les changements et réformes qui construiront «l'Etat moderne appelé à survivre aux hommes et gouvernements» et à être ancré dans la démocratie ainsi que libéré des aberrations d'un pouvoir souverain sans contre-pouvoir.

Quoi qu'il en soit, Hamrouche s'est rappelé au souvenir des Algériens de la manière la plus percutante qui se puisse en interpellant leur intelligence et en forçant les acteurs politiques qui se sont enrôlés dans la guerre des clans à élever le niveau du débat politique sur l'avenir immédiat et lointain du pays. Rien que pour ça il a droit au respect.