« Provocation gratuite», «pays ennemi», la réaction du président de la
Commission nationale consultative de promotion et de protection des droits de
l'homme (CNCPPDH), Me Farouk Ksentini, par rapport à la nouvelle guerre des
mots entre Alger et Rabat à propos d'un prétendu refoulement de réfugiés
syriens du territoire algérien, ne souffre d'aucune nuance. Me Ksentini,
passablement excédé par les attaques récurrentes venant du pays voisin pour
discréditer l'Algérie aux yeux du reste du monde, ne préconise rien d'autre
qu'une rupture des relations diplomatiques avec le Maroc. «L'Algérie doit
prendre une position ferme pour mettre définitivement fin à ces provocations. A
mon sens, il faut rompre les relations diplomatiques», a déclaré le président
du CNCPPDH, lors d'une conférence de presse consacrée à la présentation d'une
étude sur les flux migratoires «vers, à partir et à travers l'Algérie».
Solution ultime, la réaction de Me Ksentini traduit tout le malaise de l'Etat
algérien vis-à-vis de ces agressions médiatiques caractérisées qui sont menées
contre les institutions algériennes à des moments choisis par leur proximité
avec la tenue d'un événement international ou continental sur la question
sahraouie. Nombre d'Algériens ne comprennent toujours pas cette retenue toute
diplomatique d'Alger et demandent, comme Me Ksentini, à en finir une bonne fois
pour toutes avec ces velléités belliqueuses d'un pays qui n'a de cesse de
tenter de déstabiliser leur pays. A l'origine de cette nouvelle brouille entre
les deux pays, une information relayée par un site électronique marocain
rapportant un refoulement de réfugiés syriens vers le Maroc où ils ont été
accueillis. L'Algérie dément formellement et donne sa version des faits
accusant Rabat d'avoir d'abord expulsé ces mêmes réfugiés. En effet, ce lundi,
les gardes frontières algériens ont expliqué avoir refusé l'accès du territoire
à des ressortissants syriens, précisant toutefois qu'ils avaient été en réalité
expulsés par les autorités marocaines. Dans une première réaction, Alger a
parlé sans ambages d'une énième provocation du pays voisin et l'ambassadeur du
Maroc en Algérie a été convoqué, ce mercredi, en réponse à une démarche
similaire du ministère des Affaires étrangères du Royaume chérifien,
vingt-quatre heures auparavant. Alger a ainsi rejeté fermement les «allégations
dénuées de tout fondement» invoquées par Rabat, tout en réprouvant «fortement
cette nouvelle provocation politiquement motivée». L'ambassadeur marocain s'est
également vu rappeler le cas d'immigrants subsahariens refoulés aussi du
territoire marocain en direction de l'Algérie. L'entrevue avec le diplomate
marocain a été aussi l'occasion d'indiquer que le pays n'a aucunement besoin de
donneurs de leçons d'un pays qui a libéré un violeur espagnol d'enfants
marocains et condamné un enfant algérien à un an de prison pour une sombre
histoire d'attouchements sexuels. Le Royaume, qui souffle le chaud et le froid
dans ses relations bilatérales avec l'Algérie, ne rate en effet aucune occasion
pour dénigrer ce dernier, n'hésitant pas à tomber dans la surenchère et les
montages grossiers. Mais force est de constater que ces tentatives marocaines
commencent sérieusement à peser lourd dans la balance relationnelle entre les
deux Etats. Malgré tous les efforts de rapprochement d'Alger, sans renier ses
principes fondamentaux sur certains dossiers, à l'image des frontières ou
encore de la cause sahraouie, la relation entre les deux pays risque de
connaître un point de non-retour et le gel des relations diplomatiques est plus
que prévisible. Alger reproche à Rabat, entre autres «reniements»,
«l'infiltration massive» du kif rendant suspect le régime marocain qui
encouragerait l'exportation de la drogue vers l'Algérie. Aussi, la trêve
médiatique revendiquée par Alger comme un préalable à l'assainissement des
relations a été plusieurs fois violée à travers les campagnes médiatiques
incessantes contre l'Algérie. Par ailleurs, cet épisode convoque, dans les
esprits, les piratages des sites électroniques institutionnels du pays à
l'image de celui de la télévision publique algérienne (ENTV), par des hackers
marocains qui y ont affiché une page réclamant la paternité marocaine sur le Sahara
Occidental. Les attaques ciblant les sites internet d'institutions officielles,
d'entreprises privées et de banques se sont multipliées et des statistiques
parues en 2010 dans la presse nationale font état de près de 3.000
cyber-attaques contre ces mêmes sites au gré d'événements politiques ou
sécuritaires impliquant Alger et Rabat ou gravitant autour de leurs relations
bilatérales comme le dossier sahraoui. En novembre 2011, des sites
d'institutions gouvernementales et d'établissements financiers algériens, dont
celui de la Direction générale des grandes entreprises (DGE) relevant de la
Direction générale des impôts (DGI) ont été piratés par des hackers se
présentant comme étant marocains. En réponse à ces attaques, des hackers
algériens ont piraté une dizaine de sites internet marocains dont des
entreprises et des institutions officielles.