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Au moment où d'aucuns s'interrogent si les «organes vitaux»
de la République sont encore fonctionnels, à quoi peut rêvasser un ouvrier
raboteur d'urnes ? s'interroge avec un sang d'encre Chalachou. A la qualité du
bois donné à manger à son métier passé de toutes les modes et si loin de tous
les temps? A comment utiliser une échelle quand on a toujours monté un escabeau
? A l'Algérie «post-avriliste» qui surgira de derrière les isoloirs en caftan
doré ? A la couleur des yeux et la taille du grain de beauté du prochain
locataire du Palais d'EL-Mouradia ? Au prix de la baguette de pain et du sachet
de lait d'ici à l'arrivée (ré) annoncée du même et unique aréopage
gouvernemental ? Au destin flou de ses congénères d'infortune, les ouvriers
déclassés sociaux et de tous les travailleurs maintenus au ras de toutes les
échelles ?
Réputé pour être le contribuable le plus honnête du pays, selon Chalachou, le travailleur-salarié à la suée sous-payée et aux sous-vêtements délavés attend toujours de se voir, enfin, «rétribué» pour son rôle de citoyen mi-mort mi-vivant au service d'un pays resté trop longtemps inutile aux yeux de ses propres «occupants»... Par l'effet spécial d'un psychédélisme d'un autre âge, le salarié au cœur fripé est préféré au privé vampirisé dans la caboche «carrée» de Chalachou, aux castrateurs d'ambitions, aux vendeurs de rêves périmés, aux «blouseurs» aux crocs érodés, aux abuseurs de la pire espèce et même aux «embobineurs» de tous poils. Feu le lumpenprolétariat aura vécu qu'il est aujourd'hui enfin porté au pinacle par ceux-là mêmes qui ont scié la branche grasse sur laquelle il roupillait sans jamais cauchemarder des lendemains cruellement «déchantants». Moyennant une urne à la fente obstruée, il parait, selon Chalachou, que le travailleur-salarié aura droit sous peu à un salaire net «allongé» de quelques dépoussières, en attendant que le prochain cascadeur-alpiniste atteigne sans piège à loup, ni chausse-trape, le sommet de la république. Dehors, le peuple des votants a la tête à parler de Khalifa, selon Chalachou. Khalifa, cet homme invisible, incolore, inodore et même «volant» en plus, «indigène de la république», selon des langues pendouillantes. Un peu plus haut, constate Chalachou, le moral dans les alcôves secrètes des cimes ennuagées, l'on parle avec effroi de ce scientifique-trapéziste qui a osé le saut dans le grand vide en se jetant tête la première dans le marigot des caïmans avec une chance sur mille de gagner un kopeck au marché aux dupes. C'est que l'ex-futur président a juré aux Algériens que plus rien ne sera comme avant, que seuls les meilleurs d'entre les meilleurs survivront à l'Algérie post électorale par la grâce d'une «sélection naturelle» imposée par la «main» toujours invisible de «l'Autre». En « pataouète » selon la langue tombée en décrépitude de Chalachou, cela veut dire que seuls les plus costauds aux épaules aussi larges que le Mur de Berlin, les discoureurs, les débrouillards par vocation, les vicieux de formation, les fourbus de naissance et, avec eux, toute l'engeance des «esprits malins », auront droit à leur portion d'Algérie. Le reste, c'est-à-dire les autres, tous les autres, les pressés, les compressés, les laissés-sur-le-carreau, les sans-grade, les sans-niveau, les sans-destin, les sans-avenir, les sans-le-sou, les sans-logis, les sans-boulot et les sans-veines seront momifiés vivants et enfouis dans des sarcophages faits à partir de boyaux de chacal. L'Algérie post-avriliste sera ou ne le sera pas : elle le sera pour tout le peuple des votants sans distinction de couleur de peau, de tour de taille, de volume de ventre, de grosseur de cou, d'épaisseur de poches ni même de goût (s) de gibier (s) ou d'odeur de bergerie. L'Algérie ne le sera pas pour tous les autres : les algéro-sceptiques en réserve de la République, les boudeurs d'urnes, ceux qui pensent que les élections encouragent le charlatanisme, les déserteurs des grands rendez-vous, les abonnés-absents à tous les appels et toute cette faune qui se cache derrière un silence de mort quand tout le pays, en surface et par grand fond, a une envie folle de faire un boucan d'enfer...! Ainsi aimait à parler Chalachou? |
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