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Le printemps «arabe» a enfanté une guerre civile, un coup d'Etat,
une transition qui dure et qui ralentit, deux cents milices, un apartheid et
une réussite. Sur la liste et dans l'ordre : la Syrie, l'Egypte, le Yémen, la
Libye, le Bahreïn et la Tunisie. Et cette réussite tunisienne est si fragile,
si rare, si récente que l'on a peur d'en parler et d'en commenter l'actualité.
A la question de : «les arabes» sont-ils capables de sortir de la violence, de
la dictature et de la théocratie un jour ?». La réponse a été «non» depuis
toujours. Et pour une fois qu'un pays dit «arabe» arrive à mettre d'accord ses
islamistes, ses laïcs, ses progressistes et ses ex du régime, on a peur que
cela soit encore une illusion. Et c'est une peur ancienne, tellement depuis
toujours, cela n'a été que sables et mirages dans la planète d'Allah. Jamais
l'Andalousie n'a été autre chose qu'un mythe et une nostalgie, jamais la
démocratie n'a été notre lot, ni la paix durable, ni le consensus, ni la
raison, ni la justice et le rêve.
Donc, on va saluer, très bas, la réussite de nos voisins : ils viennent d'accoucher, trois ans après avoir chassé Ben Ali, d'une loi fondamentale qui, parce qu'elle a mis tant de temps à être écrite, prouve par ce fait qu'elle est un texte auquel les gens croient et y tiennent. D'un côté, leurs islamistes n'ont pas cédé tous aux utopismes et au Djihad et semblent admettre l'Autre et la nécessité du consensus pour survivre même si toute guerre est rue, selon leur hadith fétiche; et de l'autre, la classe moyenne haute, la société civile tunisienne, les élites ne semblent pas totalement anesthésiées, tuées, vassalisées ou exilées ou fatalistes et démissionnaires comme c'est notre cas. Leur paix est, du coup, différente de la nôtre; la leur est celle de l'effort, la nôtre est la paix des cimetières. Notre consensus est celui des cadavres allongés et le leur semble être celui, laborieux, du vivant. Et ce texte consacre, sur le papier du moins, le statut de la femme égale de l'homme et pas son obsession, son quart, sa moitié ou son poids mort. Et c'est une prouesse. Et ce texte consacre la justice, les institutions qui veillent et le partage des pouvoirs et d'autres nuances majeures. On pourra, sur le net, le lire presque comme une poésie tant il fait rêver. La Tunisie est donc dans l'inaugural. Elle a enfanté le printemps «arabe» et elle peut en sauver le cri tombé bas dans le hurlement et le crime. Elle peut prouver qu'il y a de l'espoir après une révolution et que la révolution n'est pas un chaos stérile. Ce pays voisin est peut-être la terre méconnue et négligée de notre débarquement dans le monde moderne, l'isthme de notre espoir, le lieu où peut-être se dessine la solution au terrible malaise d'être «arabe» même quand on ne l'est plus, et de l'être pour rien mais avec le coût du temps et du sang que l'on perd. Admirables voisins, continuez ! |
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