Le lait en sachet
provoque la grogne des commerçants et des consommateurs. Et l'indignation gagne
d'autres intervenants dans la filière du lait, ainsi que l'opinion publique
d'une façon générale. C'est que la crise fait toujours parler d'elle. La wilaya
de Constantine a vécu ces trois derniers jours une grave perturbation de la
distribution de ce produit de large consommation, une perturbation plus aiguë
que celle vécue vers la fin de l'année écoulée, poussant les ménages à se
rabattre sur le lait en pack, pas toujours à portée des petites bourses.
Pourtant, selon les déclarations rassurantes des responsables de la laiterie
Numidia, la pénurie du lait en sachet devait s'estomper, voire disparaître,
avec le début de l'année 2014, des estimations certainement liées aux
prévisions d'arrivage des nouveaux quotas de la poudre de lait. Hélas, non
seulement elle perdure, mais la rupture du lait en sachet s'est
considérablement accentuée à la fin de ce mois de janvier. On assiste désormais
à des scènes de mécontentement et des accrochages devant les commerces, des
distributeurs de lait en sachet sont pris à partie par les clients qui les
attendent de pied ferme et ne manquent pas de leur mettre sur le dos les
raisons de la crise, les accusant de détourner les quantités de lait en sachet.
«Un distributeur a été agressé au niveau de la commune de Didouche Mourad»,
souligne dans ce sillage le président de la Fédération des distributeurs de
lait en sachet, M. Boudemagh Hacen. Rencontré, dimanche, au siège de l'UGCAA,
ce dernier a dénoncé toute la pression à laquelle fait face le distributeur de
lait en sachet, taxé de tous les maux dans cette atmosphère d'opacité quant aux
raisons réelles qui ont entraîné cette crise. «Il y a un mois, la quantité
qu'on nous réservait à l'unité Numidia, jusqu'à 4.000 sachets de lait pour
chaque distributeur, a été baissée à 49%. Et l'on nous a promis que les choses
vont rentrer dans l'ordre à partir de la première semaine de janvier, mais, à
notre grande surprise, la part a été encore rabaissée jeudi dernier à 25% !»,
indique notre interlocuteur. Par un simple calcul de rentabilité, ce dernier
relève que le distributeur ne touche que 750 dinars pour les 1.000 litres (0,75
centimes par litre) qu'il distribue quotidiennement aux commerçants, une somme
jugée dérisoire relativement aux charges de personnel (chauffeur et convoyeur
payés à 800 dinars) et de carburant. Les distributeurs de lait en sachet se
trouvent dans une situation financière très inconfortable, d'ailleurs la
plupart songent à changer de métier, alors que d'autres, plus nombreux,
n'écartent pas la possibilité d'un recours à une grève dans les prochains
jours. Pour leur part, les collecteurs de lait cru, réagissant à notre article
du 9 janvier dernier, soutiennent qu'ils ont de grandes capacités de collecte,
citant en exemple la collecte effectuée en 2010, 2011 et une partie de l'année
2012, une période durant laquelle ils arrivaient à collecter jusqu'à 90.000
litres par jour, puis ce taux a baissé d'une façon significative pour descendre
ces derniers temps à des niveaux très bas, atteignant seulement une collecte de
20.000 litres par jour. Des chiffres confirmés par la direction des Services
agricoles, et qui expliquent en partie la mauvaise collecte du lait cru dont a
fait état le responsable de la laiterie Numidia, qui a estimé dans ce sens que
les objectifs tracés pour l'exercice 2013 en matière de collecte n'ont pas été
réalisés (17 millions de litres seulement ont été collectés au lieu des 22
millions de litres prévus), chose qui aurait conduit à la consommation de toute
la quantité de poudre de lait (entrant dans la fabrication du lait en sachets)
une semaine avant la fin de l'année, provoquant un dysfonctionnement dans la
distribution. Mais, cela n'explique pas le pourquoi de cette baisse de la
collecte. Les collecteurs parlent de pressions et de dépassements exercés
contre eux, les réduisant à opérer une faible collecte alors qu'ils auraient pu
mieux faire dans d'autres circonstances de travail. On parle de «maffia du
lait» dont les tenants et aboutissants de l'accusation auraient servi le plat
des enquêteurs du ministère du Commerce dont les résultats des investigations
autour de cette crise du lait n'ont pas levé de gros lièvres.