« Eni est clean», c'est en substance le résultat d'audits externes dans
les activités du groupe pétrolier italien sous le coup d'une enquête pour
corruption menée par les justices algérienne et italienne. Selon Reuters,
reprenant un communiqué d'Eni rendu public ce jeudi, «les résultats des audits
n'ont révélé aucune preuve de comportements illégaux ou de corruption d'Eni, ni
l'existence de contrats intermédiaires entre la compagnie et les tierces
parties visées par l'enquête». Ces audits, réalisés à la demande d'Eni, seront
transmis aux autorités judiciaires, ajoute le communiqué du groupe italien. On
assiste, à travers cette démarche, à une offensive «médiatique» du géant
pétrolier italien qui s'est retrouvé sous les feux de la justice à travers sa
filiale Saipem, qui détient 43%, au cœur d'un scandale pour corruption. Selon
l'enquête italienne, des cadres de Saipem auraient payé des pots-de-vin d'une
valeur de 197 millions d'euros pour obtenir des contrats avec Sonatrach, ce qui
a conduit à l'éviction de plusieurs cadres dirigeants d'Eni et Saipem. Cette
dernière, au même titre qu'Eni, a réalisé un audit, en juillet, examiné par des
consultants externes et qui a conclu à l'absence de preuves de paiements à de
tierces parties. Rappelons que dans le cadre des investigations de la justice
italienne, Pietro Varone, l'ancien directeur de la division ingénierie et
construction de la société italienne Saipem avait été arrêté le 24 juillet
dernier pour répondre ??des accusations de corruption dans cette affaire.
L'homme est considéré comme le véritable homme-clé du système de corruption mis
en place avec pour interlocuteur, selon la justice transalpine, Farid Bedjaoui,
lui aussi sous le coup d'un mandat d'arrêt international. L'ancien directeur de
la division ingénierie poursuivi dans le versement de «commissions» à des
responsables algériens, où sont impliqués d'autres dirigeants comme le PDG
d'Eni, Paolo Scaroni, est également soupçonné d'avoir touché une
rétro-commission de 10 millions de dollars dans le cadre de la signature de
contrats entre Sonatrach et Saipem. Pour sa part, Paolo Scaroni nie toujours un
quelconque rôle joué dans cette affaire de corruption. Pour rappel, dans
l'affaire Saipem-Sonatrach, sept contrats ont été signés entre les deux parties
entre 2007 et 2008 d'une valeur globale de 8 milliards d'euros. Des
commissions, selon la justice italienne, ont été versées à Farid Bedjaoui, un
Franco-Algérien établi à Dubaï, via la Pearl Partners Limited basée à Hong
Kong. La justice italienne qui a lancé un mandat d'arrêt contre Farid Bedjaoui
veut saisir ses fonds sur des comptes à Singapour et Hong Kong. Selon le quotidien
Corriere della Sera, «plus de 100 millions de dollars se trouveraient à
Singapour sur des comptes contrôlés par M. Bedjaoui et 23 autres millions de
dollars seraient à Hong Kong». Selon l'acte d'accusation contre Pietro Vérone,
les bénéficiaires des pots-de-vin de 197 millions d'euros sont Chakib Khelil,
l'ancien ministre de l'Energie et des mines, des membres de sa famille, des
membres de la direction de Sonatrach, Pietro Varone et l'ancien PDG de Saipem
Algérie, Tullio Orsi, ainsi que Farid Bedjaoui. A propos de ces dossiers,
l'ancien ministre de la Justice, garde des Sceaux, Mohamed Charfi, avait
déclaré que l'affaire «Sonatrach I» a mis en lumière «un véritable réseau
international de corruption dont les ramifications s'étendent à tous les
continents» dont le but «est d'absorber la substance de la Sonatrach à travers
des mécanismes financiers complexes visant à couvrir les crimes commis».
Concernant les accusations, le ministre a rappelé que «certaines personnes sont
sous mandat de dépôt alors que d'autres sont sous contrôle judiciaire» et que
les fonds suspects déposés dans des comptes domiciliés à l'étranger «font
actuellement l'objet de mesures en vue de leur récupération». Quant au dossier
«Sonatrach II», M. Charfi a déclaré à la presse que «90% de ceux qui y sont
impliqués sont désormais connus, certains sont entre les mains de la justice
alors que d'autres font l'objet d'avis de recherche international». En août
dernier, Chakib Khelil avait clamé, depuis Washington, «son innocence», niant
au passage sa nationalité américaine, comme annoncé par le procureur général
près la cour d'Alger, Belkacem Zeghmati, et rapporté par la presse nationale.
Démentant formellement une quelconque relation avec les affaires de corruption
qui ont touché Sonatrach, il affirme être disponible pour répondre aux
convocations des juges. Le procureur général de la cour d'Alger avait annoncé
que neuf mandats d'arrêt internationaux ont été lancés contre des personnes
impliquées dans l'affaire de corruption Sonatrach II, dont Chakib Khelil, sa
femme et ses deux enfants. En janvier 2010, un scandale de corruption à la
Sonatrach avait éclaboussé M. Khelil qui avait alors été démis de ses
fonctions. Le 10 février dernier, le parquet d'Alger a ouvert une nouvelle
enquête Sonatrach II sur une éventuelle corruption liée à des contrats entre le
groupe italien Eni et Sonatrach dans lequel l'ancien ministre serait lourdement
impliqué.