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A L'EST DU M'ZAB, LE TROU NOIR DES INTERROGATIONS

par Yazid Alilat

 A Ghardaïa, la situation reste «stationnaire» après plusieurs jours d'affrontements violents et un lourd bilan: un mort, 200 blessés, dont trois sont toujours dans le coma. La terminologie utilisée jusqu'à présent pour désigner les deux belligérants, que ce soit celle officielle ou non, ne reflète pas tellement la réalité de l'explosion soudain du clivage communautaire qui a en fait toujours été instauré dans cette cité, capitale des Ibadites.

 A Ghardaïa, si l'on expurge de sa structure sociale actuelle ceux qui y sont venus travailler dans les administrations, l'hôtellerie et la restauration, issus de diverses régions du pays, il y a toujours eu les Ibadites, ou les Mozabites, et les Chaambis, c'est-à-dire ceux désignés à dessein ou non par les «Arabes». Ceux-ci ont peuplé cette région du M'zab depuis des siècles et la ville de Metlili est en quelque sorte leur fief. C'est comme dire qu'à Ghardaïa, la capitale du M'zab avec sa ceinture de petites cités que sont Bounoura, Daya Ben Dahoua, Guerrara, Melika, El Attaf, ou la plus réputée d'entre elles, Beni Izguen, il y a les Mozabites et les Arabes, mettant dans le même lot les Chaambis qui y ont presque toujours vécu et la population locale, née de diverses périodes de migration.

Le fait est que dans cette cité mise à feu et à sang par l'ignorance des uns et les complicités des autres, il n'y a que deux vraies communautés sociales: Mozabites d'un côté et Chaambas de l'autre. Entre les deux ethnies, n'ayons pas peur des mots, il y a eu jusqu'ici toujours une franche coopération dans les affaires, la conduite de la vie de la cité et une tolérance religieuse remarquable. Les Mozabites vivent dans leur cité, qu'ils ferment la nuit venue, leurs us et coutumes ont toujours été respectés, même cités en modèle de communautarisme autarcique. A côté, la communauté chaambie qui s'est installée à l'est de la cité et a prospéré en investissant dans l'industrie, le textile ou la plasturgie. Les affrontements de ces dernières semaines montrent en réalité l'abandon ou l'oubli inexpliqué de cette donnée sociologique fondamentale de la Nation.

Pourquoi ainsi parler d'Arabe quant il s'agit des Chaambis et donner dès lors des arguments aux uns pour justifier des actes répréhensibles et montrer du doigt une communauté qui a toujours vécu en parfaite symbiose avec son environnement social et ethnique, respectueuse des lois de la République et contribuant par son dynamisme économique à la prospérité de la région? Les questions se posent aujourd'hui que la crise n'est pas encore résolue par un gouvernement qui semble avoir été pris au piège par un conflit dramatique qui a pris une tournure politico-ethnique entre deux communautés qui ont toujours coexisté pacifiquement. Les demi-solutions de lots de terrain ou de prise en charge par l'Etat de prédations contre les biens des uns ou des autres ne sont pas de nature à calmer les esprits. Ni à panser des blessures profondes que même le temps ne cicatrisera que difficilement chez l'un des deux belligérants. Le gouvernement semble même dépassé par l'ampleur du conflit.