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Le monoxyde de carbone fait des ravages : Qui arrêtera l'hécatombe ?

par Yazid Alilat

Le phénomène est devenu inquiétant. Les décès par inhalation de monoxyde de carbone (CO) ont pris des allures catastrophiques en Algérie au cours de ces toutes dernières années.

Pis, depuis pratiquement le début de cet automne, il n'y a pas un jour sans que les services de la Protection civile ou les différents corps de sécurité n'annoncent des décès dus à ce gaz, invisible tueur. Des centaines de familles ont été endeuillées par ce gaz, victimes de causes pour le moment pas tellement sériées, ni vraiment identifiées, sauf que le coupable, selon des responsables de la Protection civile, est le même: les rejets de gaz toxiques, ou ce que l'on appelle scientifiquement le monoxyde de carbone. Celui-ci n'est pas seulement inhérent aux appareils de chauffage de gaz de ville, mais est également produit par le charbon mal brûlé utilisé pour les braseros par les habitants des rudes montagnes où le froid s'installe dès le mois de septembre. Plusieurs décès ont été d'ailleurs enregistrés dans ces contrées cette année, notamment dans les villages de Kabylie, à Tébessa ou Constantine et Médéa. Partout, le danger est devenu si évident et si insaisissable que les autorités, dans une tentative de le circonscrire, ont d'abord mis en place un système de repérage et d'élimination des causes de cette tragédie. En Algérie, selon les chiffres officiels, il y a chaque année au moins 200 décès dus au monoxyde de carbone. A la fin du troisième trimestre 2013, le bilan officiel est de 231 morts contre 397 en 2012. Un chiffre qui devrait être largement revu à la hausse avec les accidents enregistrés en décembre notamment avec le décès de plusieurs personnes. Le problème, qui a largement dépassé les compétences d'un seul ministère, à savoir celui du Commerce avec l'incrimination d'importation d'appareils de chauffage non conformes et défectueux, est devenu celui de tout un gouvernement. Mais, pour l'heure, seuls les services des douanes et du ministère du Commerce son mobilisés pour traquer les appareils importés de mauvaise qualité. Fin novembre dernier à Sidi Bel-Abbès, M. Benbada, ministre du Commerce, avait indiqué que le plan de bataille de son ministère se décline en deux grands volets. Le premier porte sur une action en amont, établir un contrôle rigoureux de la conformité des appareils de chauffage importés et, en aval, obliger les importateurs et revendeurs de ce type d'appareils à fournir toutes les informations au consommateur. Cette avancée en matière d'étiquetage et de conformité des produits et autres appareils de chauffage, dont les chauffe-eaux également, est assurée par la promulgation du décret exécutif n° 13-327 de septembre 2013 qui fixe les conditions et modalités d'application en matière de garantie de la marchandise et des services. Ce décret exécutif oblige tout commerçant de livrer une marchandise conforme au contrat de vente et à assumer ses responsabilités en cas d'anomalies relevées à la réception du produit ou de la prestation. L'autre décret n° 13-328 a également été promulgué en septembre 2013 pour fixer les conditions et modalités d'agrément des laboratoires pour la protection du consommateur et la répression de la fraude. Grosso modo, le ministère du Commerce a promulgué plusieurs décrets pour l'information du consommateur sur le type de produits mis en vente et relatifs au rayon ?'appareils de chauffage ou chauffe-eaux'' fonctionnant au gaz de ville, ou au butane.

En outre, ces textes de loi sont considérés comme des mesures pratiques visant à garantir la protection du consommateur dans la perspective de l'ouverture du marché algérien dans le cadre des différents accords commerciaux (GZALE, accord d'association avec l'UE,..etc.) Car dans le lot des appareils-tueurs, il y a surtout les chauffe-eaux et les appareils fonctionnant au butane de mauvaise qualité, fabriqués avec des matériaux dangereux et non fiables. Bref, des appareils de moindre qualité acheté de Chine, selon la plupart des témoignages. Ainsi, près de 40.000 appareils de chauffage et chauffe-eaux ont été bloqués au niveau des structures portuaires du pays, dont les ports d'Alger, Oran, Mostaganem, Annaba. Par ailleurs, les directions du Commerce et de la Protection civile ont organisé durant l'automne dernier, justement pour prévenir les accidents domestiques provoqués par les émanations de monoxyde de carbone, des campagnes d'information sur ce gaz-tueur, et ont particulièrement ciblé les appareils de chauffage au gaz butane, au gaz naturel, à l'énergie électrique ou au fuel, ou les chaudières (pour chauffage central) de qualité moindre et présentant des défauts de fabrication, ou tout simplement contrefaites. En 2012, près de 452.000 interventions sur accidents domestiques ont été effectuées par la Protection civile, alors que durant les neuf premiers mois de cette année, les mêmes services ont déjà comptabilisé plus de 335.000 interventions. De plus, 2.253 personnes qui avaient inhalé du monoxyde de carbone ont été sauvées à fin septembre dernier contre 3.871 en 2012. Les raisons d'une telle hécatombe sont nombreuses, selon les services de la Protection civile, dont les éléments sont généralement les premiers à arriver sur les lieux de tels accidents. Il y a d'abord la mauvaise aération, des appareils de mauvaise qualité ou contrefaits, une mauvaise utilisation de ces appareils ou des installations effectuées sans les normes de sécurité. Et, généralement, et nonobstant la qualité des appareils, c'est un défaut d'entretien ou d'installation, le fait de boucher les systèmes d'aération pour éviter que le froid rentre ou le non respect des consignes de sécurité dans le cas d'utilisation d'appareils de chauffage mobiles, estiment des experts. Car ce phénomène n'est pas propre à l'Algérie, mais à tous les pays du monde où le gaz est utilisé comme moyen de chauffage. En France, il continue de faire des ravages dans les campagnes et les zones enneigées. Le monoxyde de carbone est également le premier coupable dans les décès par intoxication dans le monde. Et, tant que les appareils de chauffage contrefaits continueront à être importés, tant que les consignes de sécurité sont ignorées souvent par des utilisateurs mal informés des dangers, le monoxyde de carbone sévira encore en Algérie.