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McCain double John Kerry au Proche-Orient

par Kharroubi Habib

Depuis son arrivée dans la région, le secrétaire d'Etat fait la navette entre Jérusalem et Ramallah dans l'espoir d'arracher au Premier ministre israélien et au président palestinien leur aval à son projet «d'accord-cadre», censé tracer les grandes lignes d'un règlement définitif du conflit palestino-israélien. Devant les médias qu'il rencontre à l'issue de ses entretiens répétés avec ses deux interlocuteurs, John Kerry affiche de l'optimisme tout en reconnaissant l'existence de divergences entre les deux parties qu'il travaille à aplanir.

L'optimisme de l'Américain n'apparaît pas pourtant partagé par les entourages du président palestinien Mahmoud Abbas et du Premier ministre israélien Benyamin Netanyahu, lesquels affichent eux un scepticisme déclaré quant à leur acceptation du projet d'accord-cadre que Kerry tente de leur «vendre». Anticipant l'échec qu'il a programmé de l'initiative américaine, Benyamin Netanyahu a déjà imputé celui-ci aux Palestiniens en les accusant cyniquement de ne pas vouloir la paix avec Israël et d'avoir proféré des déclarations qui confirmeraient ce fait.

Dans son opération de rejet sur les Palestiniens de la responsabilité de cet échec annoncé, le Premier ministre israélien a reçu l'appui du sénateur républicain américain John McCain qui, étrange coïncidence, s'est annoncé dans la région en pleines tractations de John Kerry avec les deux parties. McCain s'est montré ouvertement en phase avec les autorités israéliennes et leurs exigences à l'endroit des Palestiniens et déclaré comprendre les craintes qu'elles nourrissent sur certains propos et propositions du secrétaire d'Etat américain.

Pour avoir relancé les négociations directes palestino-israéliennes à leur corps défendant et être en train d'effectuer un forcing pour empêcher que le dialogue s'arrête, John Kerry n'est pas en odeur de sainteté auprès de Benyamin Netanyahu et de son cabinet. Car, excusez du peu, ils le soupçonnent de partialité en faveur des Palestiniens, un soupçon partagé par la majorité de l'establishment américain et bien entendu par les lobbys pro-israéliens états-uniens. La mission de John McCain a consisté au nom de ces milieux à prodiguer à ses interlocuteurs israéliens l'encouragement à ne pas céder aux « pressions » du secrétaire d'Etat et donc à rejeter son projet « d'accord-cadre » qui n'entérine pas la totalité des concessions que Tel-Aviv réclame des Palestiniens.

On ne peut mieux « savonner » le sol sous les pieds de John Kerry que l'a fait le sénateur républicain. L'étrange est que ce dernier qui n'ignore pas le pourquoi de la visite de son compatriote dans la région ne semble pas en être dérangé. L'on constate tout de même que son forcing auprès des deux parties s'exerce plus pesamment sur les Palestiniens au vu des longueurs des entretiens qu'il a avec Mahmoud Abbas. Tout se passe comme si lui aussi n'attend de concessions qui valideraient son projet d'accord-cadre que de Ramallah. Ce qui n'est pas pour étonner sachant que ce soit John Kerry ou McCain, ils sont au diapason s'agissant de faire prévaloir le point de vue américain sur une solution au conflit palestino-israélien qui est que c'est à Israël d'en dicter les conditions et aux Palestiniens de les accepter en contrepartie de la création d'un semblant d'Etat palestinien.

Mahmoud Abbas est passé déjà de façon peu glorieuse dans l'histoire pour avoir été le « naïf » négociateur des faux-vrais accords de paix d'Oslo. Y ajoutera-t-il d'être le fossoyeur de la cause de son peuple en approuvant un « accord-cadre » qui vise à faire renoncer les Palestiniens à leurs droits essentiels sans lesquels l'Etat palestinien dont il est question serait encore moindre qu'un «bantoustan» que le régime d'apartheid avait imposé au peuple noir sud-africain ?