Le mauvais
voisinage imprègne toujours les relations entre l'Algérie et le Maroc. Pis, le
fossé semble s'élargir de plus en plus à l'ombre des campagnes successives
anti-algériennes lancées par un Makhzen qui n'a même pas pris la peine de
«faire semblant» et se référer aux règles diplomatiques pour avouer ses regrets
à la suite du grave dérapage commis un certain 1er novembre à Casablanca. Le
ministre des Affaires étrangères, Ramtane Lamamra, a déploré mercredi dernier,
lors de son passage à l'émission «Sur le fil» de Canal Algérie, cet état de
fait inadmissible, affirmant dans ce sens qu'il n'y a pas eu d'excuses de la
part du Maroc suite à la violation, en
novembre dernier, du siège du consulat général d'Algérie à Casablanca et de la
profanation de l'emblème national. Non sans faire le parallèle avec le tollé
général provoqué par les déclarations de François Hollande sur la sécurité en
Algérie et les regrets exprimés par la France presque dans l'immédiat. «Il y a
eu des communications téléphoniques du ministre français des Affaires étrangères au ministre algérien des
Affaires étrangères, du président français au président algérien, qui ont
comporté des mots extrêmement importants dans les relations entre les deux pays
; avec le Maroc il n'y en a pas eu», a indiqué M. Lamamra sur un ton indigné.
Rappelant que l'Algérie entretient des relations amicales avec la plupart des
pays à travers le monde, M. Lamamra a souligné «que l'on soit d'accord ou en désaccord avec nous sur tel ou tel
point, je ne pense pas que la seule manière de montrer un désaccord c'est de
s'en prendre à l'emblème national. Il faut que nous soyons responsables et que
nous apprenions à être en désaccord d'une manière civilisée», a-t-il encore
relevé. Abordant dans ce sillage le dossier du Sahara occidental, qui entretient
la rancune du Makhzen envers l'Algérie, M. Lamamra a réaffirmé le soutien de
l'Algérie à Christopher Ross et appelle à l'intensification de ses efforts dans
la région pour aboutir à un référendum
d'autodétermination. Le plus important, dira-t-il, c'est que les efforts de
l'Onu s'intensifient et que le dossier du
Sahara occidental ne doit pas représenter «une activité saisonnière».
Quant aux prochains pourparlers indirects entre le Maroc et le Front Polisario qui, selon des médias, seraient
prévus en Suède à huis clos sans la participation de l'Algérie et la
Mauritanie, en tant qu'observateurs, M.
Lamamra, a indiqué que «si M. Ross estime que les deux pays ne devraient pas être présents dans telle ou telle phase
de négociations, nous n'avons absolument aucune difficulté à ce qu'il en soit
ainsi». Sur un autre sujet qui a trait à la situation sécuritaire au Sahel, M.
Lamamra soutiendra que «d'un point de vue
stratégique, le terrorisme est en recul dans cette région», appelant
toutefois les pays africains à «consentir des sacrifices, notamment,
financiers», dans la lutte contre ce phénomène qui «ne se réduit plus à un
phénomène isolé» et comporte des «ramifications en terme de systèmes de
financement, de sécurité des frontières, de documents de voyage, de réseaux, de
trafic de narcotiques et d'utilisation de l'immigration clandestine».
Réagissant dans la foulée sur les interventions militaires étrangères dans
certains pays d'Afrique, comme le Mali
et la République centrafricaine, M. Lamamra a expliqué que «lorsqu'une
intervention est sollicitée par le gouvernement en place et soutenue par l'Union africaine (UA), nous ne pouvons
pas dire qu'il faut à tout prix
décourager une telle intervention quitte à ce que les conséquences soient insupportables». Par ailleurs et pour
dire toute la menace du terrorisme sur la communauté internationale, le ministre a tenu à rappeler qu' «il fut un
temps où l'Algérie combattait seule le
terrorisme et que beaucoup se complaisaient dans une manière de décrire la situation
qui était tout à fait hors de propos et de proportions avec les défis que l'Algérie surmontait par
ses propres moyens». Et c'est cette expérience qui se trouve aujourd'hui
sollicitée par des pays voisins, ainsi que d'autres puissances totalement engagées
dans la lutte contre le terrorisme. Ainsi, indique le chef de la diplomatie
algérienne, l'Algérie répond par une «sollicitude fraternelle» dans le respect
du principe de non-ingérence pour sortir la Libye et la Tunisie de la crise que
vit chacun des deux pays, précisant que
«la non ingérence ne signifiait pas indifférence». En tout cas, estime M.
Lamamra à propos de l'avenir de l'Union du Maghreb arabe (UMA), «si aujourd'hui
les peuples du Maghreb se voient et se consultent moins par rapport au passé, c'est qu'il y a
quelque part une anomalie. Je ne crois
pas qu'il s'agit d'un échec, parce que les grandes œuvres ont toujours
besoin de temps, de leadership, de pays
qui assument des responsabilités sans doute
plus que d'autres». Dans ce même contexte, M Lamamra défendra les
positions de l'Algérie à la suite de la visite effectuée par le ministre
égyptien des Affaires étrangères. «Le président de la République arrête et
conduit la politique extérieure de la nation, il ne s'agit pas d'une politique
d'un parti, d'un gouvernement ou d'une personnalité», a-t-il tranché face à la
protesta manifestée dans ce sillage par certains chefs de partis politiques. Le
ministre des Affaires étrangères a déploré dans l'attitude des détracteurs
qu'aucune personne ne s'est intéressée de savoir «en quoi la visite du ministre
égyptien peut aider à promouvoir la réconciliation nationale dans ce pays»,
considérant qu'actuellement on vise à «isoler l'Egypte, et l'Algérie a vécu
cette situation», notant à ce propos que l'Algérie essaye de contribuer à faire
sortir l'Egypte de ses difficultés, ni plus, ni moins. M. Lamamra a fait
remarquer qu'au niveau africain un panel de personnalités travaille sur un
rapport à soumettre à l'UA où il est supposé «indiquer en quoi des étapes décisives
ont été franchies» pour permettre à «l'Egypte de recouvrer sa place naturelle» au sein de
l'Organisation, insistant sur le respect de l'Algérie des décisions de l'UA. Et la situation en Syrie n'a pas été en
reste dans ce débat qui a disséqué l'actualité internationale qui touche
directement ou de près les intérêts de l'Algérie.
Sur ce registre,
M. Lamamra considère que «plus tôt la solution politique arrive, mieux c'est
pour tout le monde». La situation de la Syrie aujourd'hui «est une tragédie
pour les Syriens eux-mêmes, mais c'est aussi une hypothèque très lourde pour
l'ensemble de la région», a encore
souligné M. Lamamra. Ce dernier a estimé dans ce sens que la conférence Genève
II, à laquelle prendra part l'Algérie,
«amorcera un processus qui sera ardu, laborieux et pas facile pour arriver à
une solution politique».