Depuis quelques
années, la population de Ghardaïa n'a pas connu un tel froid qui sévit, en ce
moment, dans la région. Le matin, au centre-ville du chef-lieu, c'est l'heure
de pointe. Ça bouge dans tous les sens. Les vrombissements des moteurs de
véhicules, conjugués aux bruits émis par les motos, tympanisent les passants
camouflés dans leurs « cachabias ou leurs burnous ». Malgré la pluie, un
vendeur de CD, installé à la rue Ibn Rochd, à quelques dizaines de mètres de la
principale place du marché, augmente les sons des récitals des versets
coraniques, pour attirer les clients. Non loin de là, dans la rue Cheikh
El-Haouès, certaines boutiques exposent, dans leurs vitrines, des modèles de
vêtements chauds pour aguicher la clientèle. Accoudé au comptoir en verre de
son magasin, Ahmed réajuste les manches d'un manteau noir qu'il vient de
vendre. « Le commerce des vêtements chauds marche, en ces temps de froid, mais
la situation est différente de celle qui prévalait auparavant » dit-il, avec
prémonition. « La clientèle a beaucoup diminué. Le pouvoir d'achat a,
amplement, chuté à cause de cette augmentation ahurissante des produits
consommables et cela se répercute sur notre activité. Cette baisse de la clientèle
est, aussi, due, en partie, par l'avènement de la friperie qui présente des
vêtements à des prix beaucoup moindres. Approximativement, nous ne recevons
maintenant qu'une dizaine de clients, environ, par jour » doit-il ajouter. A
quelques mètres plus loin, un autre commerçant capte notre attention. Le gérant
nous accueille, à bras ouverts, accepte de répondre à nos questions, mais pose
ses conditions : l'entretien ne doit pas être long. Le consensus est trouvé,
place aux réponses. «Actuellement, nous n'enregistrons pas des taux de vente
considérables, les clients viennent au compte-goutte. Nous avons une clientèle
fidèle, mais celle-ci préfère plutôt la « cachabia ou le burnous » pour se
prémunir de cette vague de froid », nous indique-t-il, sous le couvert de
l'anonymat.
Pour mieux tâter
le pouls du marché des vêtements chauds, en ce début de la période hivernale,
nous décidons de franchir la porte d'une autre boutique, qui vend des produits
de grandes marques. Les prix estampillés sur les vêtements qui décorent la
vitrine en disent long. A la question de savoir si tous les clients peuvent se
procurer de tels produits, le gérant nous répond qu' « il existe des
marchandises pour toutes les bourses. Je reçois toutes les catégories de
clients dans ma boutique ». ici également, le chiffre d'affaires ne fléchit
pas, en ce début de saison hivernale. Les habits chauds peinent à être écoulés
en grand nombre. Avec cette vague de forte fraîcheur, à laquelle les citoyens
de Ghardaïa ne se sont point habitués, toutes les astuces semblent appropriées,
pour y faire face. C'est ce qu'ont compris certains marchands ambulants qui
profitent de cette situation pour développer des activités de circonstance. Si
Omar, vendeur d'herbes de toutes sortes (verveine, menthe sèche, etc.) fait
partie de ce lot. Sa table, installée au beau milieu de place du marché, ne
désemplit pas. Les senteurs chatouillent les narines. Les passants, des vieux
en majorité, en choisissent quelques-unes. « En cette période de froid,
beaucoup de personnes achètent de la verveine et de la menthe, pour se «
chauffer » un peu », lance-t-il avec ironie. Comme pour confirmer ces propos,
un client nous indique, avec un brin d'humour, « y a pas mieux que la verveine
et la menthe pour contrer le froid ».