Alors que les
manifestants pro-Europe maintiennent leur siège à Kiev, les pro-Russie ont
annoncé leur intention de manifester, à leur tour, contre le projet d'Accord
d'association avec l'UE.
Accusée par
l'Europe d'être à la manœuvre dans la crise politique qui secoue l'Ukraine, la
Russie de Vladimir Poutine demeure étrangement discrète, jusqu'à ne pas réagir
officiellement aux accusations de l'Union européenne (UE). Voilà que depuis
samedi, les partisans et soutiens du président Ianoukovitch ont annoncé leur
intention de descendre, à leur tour, dans la rue pour une contre-manifestation
dénonçant les « risques de la signature d'un Accord d'association » avec l'UE,
du moins dans les conditions qu'il stipule, celles de la création d'un marché
de libre-échange commercial, et uniquement cela. C'est un peu la répétition des
conditions qui ont marqué la « révolution orange » de novembre 2004 qui avait
amené au pouvoir le pro-occidental Victor Louchatchenko et son alliée Ioulia
Tymochenko (qui purge depuis une peine de 7 ans de prison). Ce sont les mêmes
acteurs politiques qui s'affrontent : les pro-UE et les pro-Russie. Qu'à cela
ne tienne, tant le jeu d'influence géopolitique dans la région met aux prises
l'Europe face à la Russie. En revanche, l'offensive médiatique permanente des
médias de l'UE contre le pouvoir actuel en Ukraine, l'accusant d'aller contre
la volonté du peuple ukrainien de se rapprocher de l'UE traduit toute
l'hypocrisie de l'Europe dans ses rapports avec les pays de l'Est européen.
Aucune information n'est divulguée sur les conditions et conséquences
économiques sur l'Ukraine en cas de signature du dit Accord d'association. Nous
rappelions dans une précédente édition que ce même président, Victor
Ianoukovitch, a conditionné, lors de sa dernière visite à Bruxelles, la
signature de l'Accord par une aide financière conséquente de l'UE. Il a chiffré
une perte sèche de près de 168 milliards de dollars pour l'Ukraine en cas de
signature de l'Accord (dette russe et perte de rentrées fiscales pour l'Etat).
Il a sollicité une aide et un soutien graduel, avec une première tranche de 6
milliards d'euros comme signe de bonne volonté de l'UE et condition minimale
pour ouvrir le marché de son pays à l'UE. Cette dernière a refusé, ne laissant
à Ianoukovitch aucune marge de manœuvre vis-à-vis de Moscou. Depuis les
dernières manifestations des pro-Europe à Kiev, les dirigeants de l'UE revoient
la possibilité d'un soutien financier à l'Ukraine et certains termes du futur
Accord d'association et le président Ianoukovitch laisse entendre qu'il y
aurait une issue éventuelle à la crise dans son pays. C'est, précisément, le
moment choisi par l'autre partie de l'Ukraine, alliée de la Russie, pour
annoncer son intention de descendre dans la rue et manifester contre l'Accord
d'association avec l'UE. Retour à la case départ de 2004 qui a mis à l'épreuve
partisans de l'Europe (et les USA) et ceux de Moscou. Rappelons le don
financier de 65 millions de dollars offert au duo Loukachenko / Ioulia
Timochenko par George Bush, lors de la première révolution orange de 2004.
L'Europe et les USA ont mis le paquet pour amener l'Ukraine dans le giron de
l'Otan et enfermer la Russie dans ses propres frontières. C'est dire combien la
bataille qui se joue en Ukraine est capitale pour le positionnement géostratégique
entre la Russie et l'Occident (Europe et USA). Est-ce à dire que l'Ukraine
n'est pas maîtresse de son destin politique ? Difficile d'y répondre, tant la
lutte d'influence dans toute cette région est complexe, dure et sans concession
entre les Occidentaux et la Russie. En revanche, le pouvoir en place à Kiev
pourrait jouer sur cette rivalité entre Européens et Russes au profit du peuple
ukrainien. Il deviendrait acteur - décideur de l'issue de la crise au lieu de
sujet ou vassal de l'Europe ou de la Russie. Une plus grande ouverture
démocratique, le respect pour les libertés et l'opposition en Ukraine ne sont
pas antinomiques avec une coopération économique avec la Russie. De même, rien
n'empêche l'Ukraine de signer un Accord d'association avec l'UE et un Accord
avec la Russie dans sa perspective de créer une zone de libre-échange dans la
région (Eurasie). Le Sommet européen qui se tiendra à Bruxelles les 19 et 20
décembre prochains a déjà inscrit la crise ukrainienne à son agenda. Les
pro-Russes ont annoncé leur intention de manifester à Kiev. La crise risque de
s'aggraver.