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Ksentini revient sur la détention préventive : «On applique le contraire de ce que disent les textes»

par Yazid Alilat

Le président de la Commission nationale consultative pour la promotion et la protection des droits de l'Homme (CNCPPDH), Farouk Ksentini n'a pas mâché ses mots, hier, dimanche sur les ondes de la radio nationale, pour dénoncer la détention préventive «abusive», en Algérie. Il soutient que même si les textes juridiques sont clairs sur ce dossier, les magistrats continuent de pratiquer la détention abusive.

M. Ksentini a, auparavant, fait un large tour d'horizon sur la situation des droits de l'Homme, en Algérie, se félicitant de son élection au Conseil des nations unies des droits de l'Homme. Reconnaissant, par ailleurs, que les efforts de l'Algérie, dans le domaine des droits de l'Homme, il a souligné le «renforcement de la démocratie, la culture des droits de l'Homme en Algérie, qui s'est répandue, d'une manière substantielle». Mais, tempère t-il, «il ne faut pas être dupe, il y a beaucoup de choses à faire, cela n'est pas encore satisfaisant». «L'Algérie n'est pas encore un Etat de droit, dans toute l'acception du terme, même si on est en train de l'être, et qu'il y a des progrès dans le développement des droits de l'Homme», a-t-il ajouté.

M. Ksentini a, d'autre part, déploré, «encore une fois (...) cette culture de la détention préventive qui continue d'exister». «Le mandat de dépôt est une industrie qui prospère à une vitesse grand V, cela ne correspond pas aux directives des autorités», a-t-il regretté, estimant que la détention préventive «est abusivement appliquée». Relevant que le ministre de la Justice «a fait part de son souci sur cette question», M; Ksentini affirme qu'il «faut que la loi soit appliquée, les textes sur la détention préventive sont d'une réalité éblouissante, mais (...) ne sont pas appliqués». Il ajoutera que «lorsque les Algériens se sentiront en sécurité, cela prouvera que les droits de l'Homme ont fait un progrès énorme».

DETENTION PREVENTIVE ABUSIVE

«Les textes sont très bons, il faut que les choses reviennent à la normale, le ministre doit décider d'une politique pénale que les magistrats doivent suivre», a , encore, relevé M. Ksentini pour qui «les textes sont d'une modernité incroyable, malheureusement leur application est totalement déficiente. On applique le contraire de ce que disent les textes, c'est incroyable, terrible et inadmissible», s'est-il exclamé. Pour autant, il a relevé des progrès dans la «garde à vue, les choses s'améliorent, contrairement à la détention préventive où les choses se détériorent».

Quant au problème de la dépénalisation de l'acte de gestion, il a estimé «impératif» de résoudre ce dossier pour libérer l'économie, rappelant que «des cadres ont été, injustement, condamnés». «Il faut, absolument dépénaliser, si on veut que l'économie rebondisse», a-t-il expliqué, estimant, également, qu'il «faut, en outre, sécuriser l'espace judiciaire algérien, car les investisseurs étrangers ont peur de la justice algérienne, car des procès ont été intentés contre des personnes innocentes. Il faut, absolument, que les choses changent». Par ailleurs, estimant que «les conditions d'incarcération des détenus s'améliorent», M. Ksentini a, quand même, souligné qu'il «faut que la loi soit correctement appliquée, et il faut se détacher d'une justice, extrêmement, répressive, (car) la répression, à elle seule, ne règle pas les problèmes». Il a, également, relevé qu'il faut revoir le système juridique de lutte contre la drogue, car «les textes sont d'une extrême brutalité, des décisions ahurissantes en matière de jugement sur les stupéfiants ont été prononcées».

Et, puis, les «détenus condamnés pour (usage ou trafic) de stupéfiants sont, systématiquement, exclus de la grâce présidentielle. Cette grâce est ainsi devenue discriminatoire, et elle ne doit pas l'être. Dès lors, soit, il faut la supprimer soit, l'étendre à tous», a-t-il préconisé. D'autre part, le président de la CNCPDDH a qualifié d'«injustifiée» et d'«inopportune» l'élection du Maroc au Conseil des droits de l'Homme de l'Onu. «L'élection du Maroc au Conseil des droits de l'Homme de l'Onu est tout à fait injustifiée et totalement inopportune», a-t-il ajouté. Enfin, le rapport 2013 sur les droits de l'Homme en Algérie, en cours d'élaboration, sera transmis au Président Bouteflika, à la fin de l'année, a indiqué M. Ksentini.