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L'étudiant face au bulldozer de la bureaucratie universitaire

par Rachid Brahmi *

Si les citoyens sont confrontés à la bureaucratie dans nos services publics, au moment où on lance des slogans, où des responsables affirment déclarer la guerre à ce fléau qui mine et exaspère, celui-ci n'a pas épargné l'université.

Pour illustrer l'impact de ce virus national coriace, il faudrait donc citer des lieux ou délimiter un espace ; ce sera celui de la deuxième ville d'Algérie, la métropole d'Oran ,avec ses deux lions, ses deux universités, en relatant quelques faits qui affectent la marche des enseignements, alors qu'il est question de qualité et de performances, pour faire d'El Bahia , un pôle universitaire d'excellence.

Dès lors, les nouveaux bacheliers à peine sortis de l'adolescence, vont être « initiés » à un stage pratique à la bureaucratie, un premier enseignement « dispensé » avec excellence par quelques services universitaires. Ce texte évoque des tracas estudiantins qui ont débuté lors des procédures de pré- inscription, en juillet 2013. Et chaque année, ce sont les mêmes inepties qui déboussolent le plus flegmatique des étudiants.

Ainsi, deux mois après la rentrée officielle, les cours dans certains départements n'ont pas tous démarré, les enseignants titulaires étant présents, l'administration ne faisant qu'attendre les vacataires, faute d'une communication institutionnelle sérieuse à l'heure des TIC. Les cours sont d'autant perturbés, que l'accompagnement des œuvres universitaires, accuse chaque année un retard, des étudiants n'ayant pas tous finalisé les démarches administratives.

En effet, si les cours de première année ont débuté le 08 septembre, dans certains départements, une date somme toute convenable, il s'est avéré difficile pour beaucoup d'étudiants, de rejoindre le campus, puisque le transport universitaire n'a démarré, que bien après la fête de l'Aïd El Kébir, soit les tous derniers jours du mois d'octobre. Et ces jeunes adultes n'ont pas tous rejoint les salles de cours à la date fixée, car de surcroît, ils sont confrontés à des déboires tels la finalisation des inscriptions, mais surtout l'obtention d'une chambre ou l'usage incommodant du transport public, pour ceux qui résident à la périphérie d'Oran (Arzew, Ain El Turc, Misserghine, Oued Tlélat, Tafraoui, Boutlélis, Bou-Sfer,?) Le transport, l'hébergement et la restauration n' ayant pas été pris en charge , au moment opportun, le dérèglement est lourd .

D'autre part, l'ouverture tardive des « restaurants » universitaires, punit les étudiants de condition modeste qui résident loin d'Oran. Quant à la majorité des nouveaux bacheliers, à la question posée à une centaine d'entre eux, à l'IGMO (campus Taleb Mourad) pour savoir s'ils prenaient leur repas de midi au Resto U, tous avaient répondu par la négative. En d'autres termes, ils préfèrent prendre un sandwich chez les gargotiers ou autres fast-food environnants, que de faire la queue pour de la mangeaille.

Il faut relever aussi, cette bonne fournée de nouveaux bacheliers, la première inscrite à l'université d'Es Sénia qui a effectué sa préinscription, qui s'est vue délivrer une carte d'étudiant 2012-2013 au lieu de 2013-2014. Pour ces infortunés affectés dans diverses filières, cette erreur peut engendrer un parcours du combattant.

En effet, pour obtenir une autre carte, les concernés ou leurs proches doivent se déplacer au vice rectorat de la pédagogie, situé à l'ex IAP .Il faut espérer alors, qu'il n'y ait pas de coupure de courant, pour que les ordinateurs puissent fonctionner, sinon il faut revenir dans cet endroit éloigné de la majorité des campus où les étudiants suivent leurs cours qu'ils peuvent rater , sinon c'est un proche qui doit délaisser son travail pour obtenir la carte mentionnant l' année universitaire correcte.

Même rectifiée après moult tracas, cette erreur sur l'année universitaire peut se répercuter, lors de la constitution d'autres dossiers administratifs, tel celui de la bourse. Et pour une question de sous, le service des œuvres universitaires reste intraitable, quand des préposés au guichet, des jeunes très mal formés, étanches, ne sachant ni recevoir, ni expliquer, ni orienter, contrairement à leurs ainés rodés, vous attendent de pied ferme.

Il faut relever ici, que les services sont dispersés et éloignés les uns des autres, le concerné ou son parent risquent alors de se pointer au mauvais endroit. Car pourquoi, en outre, un étudiant inscrit à l'université d'Oran Es Sénia, et poursuivant ses études au niveau du campus Taleb Mourad, doit se déplacer jusqu'à l'université de l'USTO où se trouve le service des œuvres universitaires, pour régler un problème dont il n'est pas responsable ?

Là encore, soit l'étudiant s'évertue lui-même à régler des erreurs commises par d'autres, et ratera ainsi ses cours, en épuisant ses énergies dans les aller et retour, soit il a la chance d'avoir un proche à lui qui l'allège de ces corvées. Etudiant ou autre, celui qui fait les démarches court un grand risque de se voir expédié, telle une balle de ping- pong, de services en services pas très familiers, éloignés les uns des autres et qu'il s'agit de dénicher.

Pourtant, il aurait été plus simple, plus rationnel et plus censé que le vice-rectorat de la pédagogie, transmette la liste des étudiants concernés, au service des bourses qui n'a pas lui aussi, trouvé utile de s'approcher du vice-rectorat. Ces deux derniers services cités, étant déconnectés entre eux, auraient donc dû régler ce problème entre eux, et non pas alerter et ameuter les étudiants ou leurs parents.

Notons au passage, que la carte d'étudiant délivrée à l'université de l'USTO est une carte à puce, donc informatisée , petite, pratique, en plastique, alors qu'à l'université d'Es Sénia, c'est un carton grand format qui ressemble à ceux confectionnés au début du siècle précédent. Pourquoi cette différence dans le savoir-faire, entre deux universités et dans la même ville, alors que l'université d'Es Sénia, est censée avoir de bonnes traditions, puisque plus ancienne que celle de l'USTO ?

Et encore au passage, relevons que les opérations de maintenance ou de rénovation (peinture, boiserie, plomberie ...) se font à la rentrée universitaire, avec l'inévitable vacarme qui les accompagne « gracieusement », au lieu qu'on entreprenne ce genre de travaux durant les périodes de vacances où les locaux sont vides. Et si vous cherchez à comprendre l'inopportunité de ce remue-ménage, on vous dira que c'est une histoire budgétaire, donc bureaucratique. Et ça dure depuis de longues années, la question n'ayant pas encore été résolue.

Comment donc, la mine des étudiants peut-elle être radieuse, à El Bahia ou la Radieuse, quand on somnole devant de telles insuffisances ? Cela s'apparente à des opérations de bizutage, car tel responsable est cloitré dans son bureau ou va régler ses affaires personnelles, l'absentéisme étant devenu une seconde nature, ou tel autre responsable peut vous recevoir avec le grand sourire , mais vous charge d'une mission impossible en vous expédiant vers des subalternes, de jeunes gratte-papiers, pour régulariser la chose. La quadrature du cercle !

Il est donc temps de remédier à certaines insuffisances où la première victime reste l'étudiant. De campus en campus et de bus en bus, mal transporté, mal hébergé, mal nourri, mal orienté, désorienté, malmené et terrassé par le bulldozer bureaucratique, il faut une sacrée dose de patience et d'énergie pour conserver ce désir d'étudier.

Pour l' instant donc, il n'y a d'excellence que la bureaucratie qui occupe un pôle et le podium. Sinon 4000 DA de bourse par trimestre, même d'un apport psychologique certain, pour tout jeune étudiant, soit un peu moins de 44 DA par jour, cette dernière somme ne peut même pas lui payer une limonade.

* (Enseignant Université d'Oran Es Sénia)