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Nervis programmés

par M. Saadoune

L'efficacité de la police marocaine dans la gestion des manifestations publiques - à l'instar de l'algérienne d'ailleurs - n'étant pas contestable. Elle a une «expertise» reconnue par les militants et les défenseurs des droits de l'homme au Maroc. Ce qui est arrivé au consulat algérien de Casablanca n'est donc pas à inscrire dans la case des événements impondérables. Le Mouvement des jeunes royalistes à l'origine de l'incident n'a pas fait dans la spontanéité. «L'appel de la patrie» appelant à manifester le 1er novembre devant le consulat algérien a été publié sur son compte Facebook au moins quarante-huit heures avant l'événement.

Ce Mouvement des jeunes royalistes forme ce qu'on appelle la baltaguiya du Makhzen qui menait des actions violentes contre les jeunes du mouvement du 20 Février coupable de «lèse-majesté» en demandant la fin de la monarchie exécutive en faveur d'une monarchie constitutionnelle.

On est donc dans un univers connu des services de sécurité marocains. Ce sont des éléments «amis» de la police. Tout est censé être sous contrôle. La police marocaine avait tous les éléments en main pour éviter qu'une manifestation devant le consulat algérien ne dérape. A moins qu'on ait décidé délibérément de laisser faire. Les images de la vidéo de l'attaque contre le consulat algérien montrent que le nombre des manifestants était très réduit. Une centaine de personnes tout au plus. Contrôler les choses n'est donc pas une mission impossible pour la très «vigilante» police marocaine.

Il n'est donc pas exagéré que les Affaires étrangères constatent que le dispositif mis en place par la police marocaine n'avait pas «la protection des locaux et des personnels consulaires algériens comme mission impérieuse». Le geste de l'arrachage du drapeau algérien un 1er novembre était-il prémédité ou une initiative personnelle d'un jeune nervi qui a sur-joué au point de dépasser la «programmation» initiale ? On peut conjecturer longtemps sur ce sujet. Mais il y a un manquement élémentaire au devoir de l'Etat marocain d'assurer la protection des locaux diplomatiques et consulaires. La formule «d'acte isolé» évoquée par des «autorités locales» marocaines relève dans ce cadre de la pure plaisanterie. L'incident du drapeau a heurté de nombreux Algériens y compris ceux qui ne partagent pas l'avis de leur gouvernement sur la persistance de la fermeture des frontières avec le Maroc.

Cet incident a été commis au plus mauvais moment possible comme s'il s'agissait d'offenser, non pas l'Etat algérien seulement, mais les Algériens et leur histoire. Les autorités algériennes, au vu de la réaction du porte-parole des Affaires étrangères, ne semblent pas vouloir envenimer les choses. Comme s'il s'agissait de montrer, par une réaction pondérée, que le Maroc accumule les bêtises politiques dans sa «crise» avec l'Algérie.

Certes, il faut toujours prêcher la modération et éviter les excès. Mais l'incident grave de Casablanca ne peut se suffire d'excuses «officieuses», comme cela était rapporté hier dans les médias. Des apprentis sorciers allumant des nervis programmés en temps de diffusion massive sur les réseaux, c'est cela le dérapage insupportable commis un premier novembre à Casablanca.