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Voir Lampedusa d'à peine 550 m et mourir, un jeudi à l'aube. C'est le rêve noyé d'au-moins 300 migrants qui se trouvaient dans un bateau transportant quelque 500 personnes, Eyrthréens et Somaliens, qui a coulé au large de la côte italienne. Hier, vendredi, il restait peu d'espoir de trouver des survivants parmi les passagers d'une embarcation partie de Misrata, en Libye. Les chiffres sont terribles. Seules 155 personnes ont été sauvées, 127 corps dont des femmes et des enfants ont été repêchés et ramenés en terre ferme. Au moins 200 personnes sont portées disparues. Les services douaniers italiens ont dit, hier, qu'ils n'ont plus d'espoir de trouver des survivants. Le bateau a fait naufrage, jeudi, à la suite d'un incendie. Les victimes, nombreuses, gisent au fond, à côté ou sous le navire, à une quarantaine de mètres de fond. Le navire qui s'est retourné est devenu une tombe pour ces personnes, en quête d'un salut en Europe. Les premiers secours lancés, rapidement, par des petites embarcations de pêcheurs n'ont plus trouvé que des cadavres. Les 155 personnes sauvées sont des miraculées car il était difficile pour les pêcheurs qui ont organisé les premiers sauvetages de les saisir. «La mer regorgeait de personnes paniquées qui criaient. Nous avons fait tout ce qui était possible pour en embarquer le maximum à bord, mais ils nous glissaient entre les mains à cause du carburant dont ils étaient enduits « a raconté l'un d'eux. Un sauveteur qui est descendu sur le fond a fait une description terrible de l'épave. « Il y a plein de cadavres. On ne peut pas dire combien ils sont, tous serrés les uns contre les autres, on ne voit que les premiers». Selon le ministre de l'Intérieur italien, Angelino Alfano, l'embarcation est parvenue, à moins de 600 m de la côte. Elle était en difficulté en raison, peut-être, d'une panne de carburant. Ceux qui étaient dans l'embarcation ont tenté de se signaler, sans réussir, par téléphone. Quelqu'un, à bord, aurait eu l'idée de mettre le feu à une couverture afin d'attirer l'attention des secours. Une décision fatale puisque le feu s'est propagé, rapidement, sur un pont imprégné de carburant. Les migrants ont réagi en se déplaçant, tous, vers un côté du navire qui a chaviré et coulé. Les survivants ont signalé que trois bateaux de pêche ont choisi de poursuivre leur chemin sans les aider et sans même signaler leur présence. Le skippeur du bateau, un Tunisien de 35 ans, déjà expulsé d'Italie, en avril dernier, a été arrêté par les services de sécurité italien. Vergogna, la honte. Un deuil national a été observé, vendredi, en Italie, à la mémoire des victimes de Lampedusa. Lundi, treize candidats à la migration sont morts par noyade. Le pape François a eu des mots très forts en dénonçant «l'indifférence à l'égard de ceux qui fuient l'esclavage, la faim, pour trouver la liberté, mais qui trouvent, ainsi, la mort». «Aujourd'hui est une journée de pleurs», a déclaré le pape. La veille, du Vatican, il avait déclaré : «c'est le mot honte qui me vient à l'esprit. Prions ensemble pour tous ceux qui ont perdu la vie, ces hommes, ces femmes, ces enfants. Unissons nos efforts pour qu'une telle tragédie ne se reproduise pas». La presse italienne n'est pas en reste. «Vergogna» (la honte) était dans toutes les unes des journaux, la ?Republica' parlant de « massacre de la honte» et soulignant qu'il s'agissait de la «plus grande tragédie en mer des clandestins», avec des enfants et des femmes enceintes parmi les victimes sur cette île devenue «le cimetière des migrants». «Le massacre des migrants, l'Italie en deuil» titre le ?Corriere della Sera' (centre droit), tandis la ?Stampa' évoquait «l'hécatombe de Lampedusa». L'Italie, qui se sent «seule», face au problème, a lancé un appel à l'Europe, par la voix du président de la République, Giorgio Napolitano, afin «d'arrêter le trafic criminel d'êtres humains en coopération avec les pays de provenance». Il a réclamé la surveillance des côtes d'où partent ces «voyages du désespoir et de la mort». Depuis le début de l'année, 25.000 migrants ont afflué en Italie, trois fois plus qu'en 2012. C'est «un drame européen, pas seulement italien», a souligné Angelino Alfano. Mais en la matière, c'est le chacun pour soi qui règne en Europe. |
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