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La loi sur les télécoms zappée : les TIC au rythme de la bureaucratie

par Farid Farah

Attendu depuis 2010, le projet de loi sur les télécoms a finalement été retiré du Parlement. Le dégroupage, prévu par le texte, serait à l'origine de cette décision survenue immédiatement après la nomination de Mme Zohra Derdouri en remplacement de Benhamadi à la tête du MPTIC. La réforme du secteur continuera à se faire au rythme de la bureaucratie.

Après plusieurs mois d'hésitations, le gouvernement a finalement retiré du bureau l'APN le projet de loi fixant les règles applicables aux activités de la poste, des télécommunications et à celles liées aux technologies de l'information et de la communication. Ce texte prévoyait d'autoriser l'opérateur historique à dégrouper son réseau téléphonique et visait à accélérer le processus de la réforme du secteur des télécommunications en vue de son ouverture au marché de la data mobile. Ainsi, il a fallu l'arrivée de la présidente de l'Agence de régulation de la poste et télécommunications (ARPT) aux commandes du MPTIC pour que le gouvernement annule la nouvelle loi des télécommunications, qualifiée, dans un rapport rédigé par les experts de l'Agence, de véritable menace contre l'indépendance du régulateur dans l'accomplissement de ses différentes missions. Mais, selon les observateurs qui ne partagent pas l'avis des membres de l'ARPT, les véritables raisons de cette annulation résident ailleurs. C'est plutôt l'absence d'un consensus autour de la fin du monopole d'Algérie Télécom (AT) sur la boucle locale qui est à l'origine du revirement du gouvernement. Cette lecture n'est pas loin de la réalité. Car dans le chapitre de la régulation, les dispositions du projet de loi gelé, montrent bien l'élargissement de l'influence de l'ARPT au domaine commercial du marché des télécommunications. Mieux encore, l'ensemble des articles relatifs aux attributions de l'ARPT et ses partenaires consacre le monopole de l'administration des télécommunications sur le marché Algérien. Ainsi, seuls les MPTIC, l'agence nationale des fréquences, le conseil de la concurrence et l'ARPT participent à la gestion de l'activité des opérateurs des télécommunications. Aucune entreprise, même étatique, ni association n'est incluse dans ce processus à l'exception peut être de l'observatoire de la Poste, des télécommunications et des TIC et le conseil national de la poste, des télécommunications et des TIC, deux instances placées auprès du ministère, et dont la création était prévue par la nouvelle loi. Ainsi, l'ARPT est administrée par un conseil composé de 07 membres dont le président. La durée du mandat de chacun d'eux est fixée à 04 années renouvelables une seule fois. Un article de cette loi interdit à toute personne ayant une activité professionnelle ou des intérêts personnels dans une entreprise du secteur de la poste, des télécommunications et technologies d'information, de l'audiovisuel et de l'informatique, de briguer un mandat de membre du conseil de l'autorité de régulation. Aussi, le directeur général de cette dernière qui est nommé par le président de la république se voit attribuer les prérogatives d'un ordonnateur secondaire du budget de fonctionnement du régulateur.

Que de temps perdu

Pour ce qui de la régulation économique, cette loi interdisait aux opérateurs des télécommunications et prestataires de services d'exploiter de façon abusive une position dominante sur le marché commun ou dans une partie significative de celui-ci. Le gel de ce projet de loi fera éloigner davantage le juridique de la technologie. L'ouverture de la boucle locale à la concurrence nationale et internationale sera suspendue. Il ne sera pas possible à des opérateurs télécoms privés d'accéder au dégroupage dans le cadre d'une politique de soutien au développement des connexions à haut et très haut débit. L'autre grande déception suite à ce retrait de projet de loi concerne la 3G. La réalisation de la carte géographique de la couverture UMTS de l'Algérie se fera de la même manière que celle de la 2G et surtout avec les mêmes erreurs. L'absence d'une réglementation sur le déploiement des BTS «bureaucratisera» le choix des emplacements des antennes, ce qui rendra le réseau sous-dimensionné. Pire encore, l'absence de la reconnaissance juridique de l'opérateur virtuel de la téléphonie mobile (MVNO) retardera la baisse des premiers frais d'accès aux services de la 3G. Concernant les abonnés de la téléphonie mobile 2G, ils ne pourront pas être propriétaires de leurs numéros et n'auront donc pas la possibilité de conserver le même numéro lorsqu'ils changent d'opérateur. La portabilité attendra encore?