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Faire la différence entre les touristes et les estivants

par Aïssa Bouziane

Ancien secrétaire d'Etat chargé du tourisme, M. Mohamed Amine Hadj Saïd a été promu ministre. Mais le tourisme a peu évolué.

Entre ses estivants et ses touristes, l'Algérie peine à définir une politique cohérente en matière de tourisme. Soucieux d'offrir aux Algériens la possibilité de passer leurs vacances chez eux, le gouvernement multiplie les formules, mais il n'arrive pas à faire face au rush traditionnel de l'été, ce qui se traduit par une détérioration continue de la qualité de service, particulièrement durant le pic de juillet-août.

Selon le ministre du tourisme, Mohamed Amine Hadj Saïd, ils étaient 68 millions d'Algériens à se rendre cet été sur les plages. M. Hadj Saïd a toutefois évité de parler de touristes, préférant parler d'estivants. Quant aux touristes étrangers, leur nombre reste marginal. Ils étaient 530.000 à visiter le pays durant le premier semestre, mais tout laisse croire qu'il s'agissait essentiellement d'hommes d'affaires qui profitaient de leur séjour pour connaitre le pays. Le nord du pays n'offre que peu de circuits de qualité, alors que le sud, attraction unique dans le monde, est peu pratiqué pour des raisons sécuritaires. L'attaque terroriste de Tiguentourine, au début de l'année, a pratiquement sonné le glas de cette activité, qui reste limitée à certains sites ultra-sécurisés. « Organiser un circuit devient trop coûteux, avec toutes les escortes nécessaires », reconnait un opérateur.

Principal handicap du tourisme en Algérie, la faible qualité de service. Le pays n'a pas de tradition touristique, et l'offre reste réduite, face à une demande locale très élevée. Les Algériens des classes moyennes et supérieures préfèrent d'ailleurs se rendre pour leurs vacances en Europe ou dans certains pays culturellement plus proches. Comme la Tunisie, la Turquie et le Maroc, ce dernier restant une des destinations préférées des Algériens, malgré la fermeture des frontières.

Balance touristique déficitaire

Le résultat est paradoxal. L'Algérie, pays peu développé, à revenu intermédiaire, est exportateur de touristes, alors que ses voisins tirent une partie de leur revenu du tourisme. On estime à au moins un million le nombre d'Algériens qui se rendent à l'étranger chaque année.

Le gouvernement algérien veut remédier à cette situation, en s'attaquant à plusieurs fronts, dont celui de l'offre et de la formation. Selon M. Hadj Saïd, 90.000 lits seraient actuellement en cours de réalisation, dont près de 10.000 devraient être livrés en 2013. Au total, il y aurait 803 projets en cours de réalisation, dominés par l'hôtellerie urbaine. Les investissements s'élèvent à 350 milliards de dinars (3.5 milliards d'euros).

Mais à côté des investissements, c'est l'organisation du secteur, la qualité de service et l'attraction de la destination Algérie qui posent problème. Des mesures ont été décidées, mais leur effet ne peut se faire sentir que sur le long terme. Ainsi,des études ont été achevées pour la réalisation d'une Ecole supérieure de tourisme de 1.200 places à Tipaza, à l'est d'Alger, d'un institut à Temouchent, dans l'ouest, et d'une école dédiée au tourisme saharien à Timimoun. En outre, en 2014, sera réceptionnée une école supérieure à Aïn-Benian, près d'Alger. Elle sera gérée avec le concours de l'école supérieure du tourisme de Lausanne, pour une durée de huit ans.

La privatisation des hôtels publics n'est pas à l'ordre du jour

Le gouvernement algérien n'a pas encore défini de démarche sur le dossier brûlant de la privatisation des infrastructures touristiques. Alors que les opérateurs privés souhaitent acquérir les installations gérées par des entreprises publiques, très convoitées en raison de leur emplacement idéal, les autorités bottent en touche, affirmant privilégier les nouveaux investissements, la formation et le partenariat plutôt que le recours aux privatisations. « Pour le moment, on ne pense pas aux privatisations, mais au partenariat. On a besoin de savoir-faire », a-t-il dit au cours d'une émission de radio, ajoutant : « Nous n'envisageons pas de privatisations ». Ces hésitations ont quelque peu refroidi l'ardeur du patronat, qui voulait relancer l'idée de privatisation lors de la tripartite prévue fin septembre. Encouragées par l'entrée du groupe privé Benamor (industrie alimentaire) dans le capital de l'entreprise publique Eriad Corso, en mars dernier, les organisations patronales y avaient vu le signe d'un nouveau départ pour les privatisations, même sous forme partielle. Elles saluaient le virage, après l'épisode du « nationalisme économique ». Mais ce virage n'a pas eu de suite. Le gouvernement semble même s'orienter vers un renforcement de sa présence dans le tourisme. Les sites contrôlés par des entreprises publiques, souvent mal gérés, et fortement dégradés, ont bénéficié d'un apport financier conséquent pour être réhabilités. L'Etat y injectera 70 milliards de dinars (700 millions d'euros), a indiqué le ministre du tourisme. 68 sites en bénéficieront, essentiellement les fameux centres touristiques construits au lendemain de l'indépendance, sur des sites de grande valeur, mais qui se sont fortement dégradés au fil des ans.