Moins d'une
semaine après l'avertissement algérien adressé aux autorités tunisiennes quant
à la préparation d'une importante opération de contrebande d'armes convoyées à
partir de la Libye, le ministre tunisien de l'Intérieur, Lotfi Ben Jeddou, est
revenu sur la question des armes en circulation dans son pays. Lors d'une audition
des ministres du gouvernement intérimaire au sein de l'Assemblée nationale
constituante (ANC), il a révélé, ce jeudi, qu'une quantité d'armes de
contrebande, susceptible de déclencher une guerre en Tunisie, a été saisie et
si le black-out a été décidé autour de ces prises, c'est pour éviter de porter
atteinte au secteur du tourisme et épargner aux Tunisiens toutes confusions.
Selon le ministre de l'Intérieur, les forces de sécurité ont saisi ces armes de
guerre lors de perquisitions effectuées dans plusieurs caches disséminées dans
la capitale et d'autres villes en étroite relation avec des groupes
extrémistes. Lotfi Ben Jeddou a ensuite évoqué la création d'une zone tampon
avec l'Algérie et la Libye qui a eu pour effet immédiat de réduire la
contrebande d'armes dans le pays. Cette zone, créée le 29 août dernier et
placée sous le commandement de l'armée, est située dans le sud du «triangle
frontalier» partagé par les trois Etats. Elle reste pour le moment, selon
Tunis, la solution parfaite pour éviter l'entrée d'armes et le trafic de
marchandises tunisiennes subventionnées. En janvier dernier, la presse
tunisienne avait mis en exergue le commerce clandestin d'armes de guerre, un
marché qui fait florès aux frontières est de l'Algérie. 3.000 dinars tunisiens (1.500
euros) pour un pistolet de calibre 9mm équipé d'un silencieux, pas plus de
2.500 dinars pour un fusil-mitrailleur kalachnikov de fabrication russe et le
marché offre même des lance-roquettes RPG provenant, comme la plupart des
autres armes en circulation, de ce qui reste de l'arsenal du régime libyen
déchu. D'après toujours la presse tunisienne, souvent, les armes en petite
quantité transitent par les postes frontaliers réguliers, à la faveur d'un
déficit de contrôle aux causes non précisées, alors qu'il arrive que des
cargaisons entières sont introduites discrètement en contrebande par des
passeurs à travers des pistes sahariennes éloignées, à l'instar des trois
pick-up interceptés et mitraillés l'année dernière par un hélicoptère de
l'armée de l'air. En mai dernier, la police tunisienne avait arrêté un Libyen
alors qu'il tentait de faire entrer dans le sud du pays 150 kg d'équivalent
TNT. Cette région est devenue, du fait de sa proximité avec la Libye, une
plaque tournante du trafic d'armes depuis la chute du régime de Kadhafi. La
Tunisie avait saisi, par ailleurs, plusieurs caches d'armes ces derniers mois
sur son territoire, mais le Premier ministre, Ali Larayedh, avait assuré devant
l'ANC que les services de sécurité avaient à faire avec des «personnes isolées»
plus qu'à des «réseaux». Au cours de son intervention, M. Ben Jeddou a tenu à
saluer la coopération sécuritaire avec l'Algérie contrairement au cas de la
Libye en raison notamment de la situation sécuritaire tendue qui y prévaut.
Revenant sur l'assassinat du député Mohamed Brahmi, le 25 juillet dernier, le
ministre de l'Intérieur a admis l'échec de son département d'empêcher cet
assassinat alors qu'il avait été averti par les services de renseignement
américains sur un possible attentat contre le député. Il a déclaré qu'une
enquête administrative a été ouverte pour déterminer les responsabilités et
expliquer la lenteur dans le traitement de la note émise par les Américains
tout en niant les allégations de complicité dans cet assassinat au sein du
ministère de l'Intérieur.