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Chaos libyen

par M. Saadoune

La Libye intéresse les médias internationaux. Pas seulement sous l'angle du premier anniversaire de l'attaque con-tre le consulat américain de Benghazi. L'image générale est celle d'un pays où la production de pétrole est au plus bas et où l'emprise des milices est au plus haut, avec de vastes pans du territoire qui échappent à tout contrôle. Le rapport de la commission indépendante mise en place par Statoil pour enquêter sur Tiguentourine évoque la Libye comme «un vaste territoire non gouverné». Le coup de force des Occidentaux en Libye, au prix d'une manipulation du Conseil de sécurité qui explique en grande partie son impuissance dans la crise syrienne, avait eu un impact immédiat sur le Mali. Mais si la situation dans ce pays a été plus ou moins «reprise en main» au prix d'une intervention militaire étrangère qui risque d'être durable, l'impact de la «révolution» libyenne par l'Otan continue de peser. Il y a bien un «chaos libyen» qui mine le pays et menace l'ensemble des voisins. Actuellement, la Libye n'exporte pratiquement plus de pétrole. Après avoir semblé faire un retour en force avec une production de 1,42 million de barils par jour en avril dernier, la production est descendue au niveau dérisoire de 150.000 barils par jour. Le pays doit importer pour répondre à ses propres besoins ! Le Premier ministre libyen, Ali Zeidan, a beau frapper sur la table et jurer qu'il ne «laissera personne prendre en otage la Libye et ses ressources», son discours ne passe pas. Peu de personnes croient - et les milices en premier - que ce discours d'autorité puisse se traduire en fait. Ni l'armée libyenne ni les forces de police ne sont en mesure de tenir tête aux milices. Celles-ci ont littéralement pris le contrôle des principaux terminaux d'exportations et vendent du pétrole sans passer par le gouvernement. Les entreprises étrangères qui se sont frotté les mains après la chute de Kadhafi sont désormais plus que circonspectes. Quant à ce qui reste d'Etat ou de gouvernement en Libye, il est contesté à tous les niveaux jusqu'à sur l'usage du pétrole. Résultat, la Libye est en train de «bouffer» dans ses réserves de devises et à ce rythme, dans quelques mois, il ne sera plus possible de payer les fonctionnaires. Bref, les choses semblent aller vers plus de déstabilisation. Et c'est une très mauvaise nouvelle pour l'ensemble des pays limitrophes. La Tunisie, qui connaît un début de constitution de groupes djihadistes, s'inquiète de voir les salafistes djihadistes, mis dans l'illégalité, se replier vers la Libye.

Pour l'Egypte, en proie à une crise grave avec des choix de l'armée qui favorisent les plus radicaux, la Libye peut devenir une grave source de nuisance. Là, des armes sont disponibles et pourraient alimenter un pays en pleine fracturation politique. Pour l'Algérie, la situation est connue, ce qui ne veut pas dire qu'elle est maîtrisable. L'attaque de Tiguentourine est passée par la Libye. Et le fait de savoir que ce pays est une source de menace impose une mobilisation de moyens importants pour des régions vastes et difficiles. Il est clair que le risque posé par le «chaos libyen» va peser durablement. Il n'est soluble que par le rétablissement plein de l'autorité étatique sur l'ensemble du territoire. Et on est loin du compte. Très loin.