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Tlemcen : Cheïkh Mellouk n'est plus

par Allal Bekaï

Le chantre de «Ya tlemcen ya djawhara» a rendu l'âme dans la nuit de samedi dernier à l'âge de 83 ans. Cheikh Ahmed Mellouk naquit le 3 août 1931 dans le quartier populaire d'El Qorrane dans la vieille médina. A neuf ans, il était orphelin de père qui était babouchier. Dès son jeune âge, il apprit à jouer du «fhel» (flûte) puis du «gunibri» (instrument à cordes fait d'une carapace de tortue en guise de caisse de résonnance) dont jouait avec brio Cheikh Nekkache Ennedromi. A 12 ans il chantait déjà merveilleusement bien et maîtrisait tous les instruments de musique. En1959, il fonda l'association «El hawael djamil»(il eut comme bras droit dans l'orchestre le jeune Chafik Hadjadj) en référence au titre de la qacida que lui avait donnée le Dr Mohamed Cherrak el-Ghosli et qui l'adopta en guise de prélude musical mais vraisemblablement aussi par rapport au nom du quartier où se trouvait l'ancienne station radio de Tlemcen qu'il fréquentait régulièrement pour des «enregistrements» en direct. A l'occasion du recouvrement de l'indépendance nationale, Mellouk composa plusieurs chansons patriotiques, notamment «Dem djdoudna dhahina» (On a sacrifié notre sang),«Aalach ya mima rah ma oualach» (Pourquoi maman il n'est plus revenu?), «Ferhi min essaâda» (Ma joie est de bonheur), «Qabl tlou' el fedjr rayet el djazaïr a'let» (Avant l'aube, sera levé le drapeau algérien) et «Raya oubahia»(Un drapeau gracieux), les paroles de ces deux dernières sont signées Djilali Karadja, qu'il enregistra en 33 tours chez la maison d'édition «La Voix du Globe». Quant à sa chanson fétiche «Ya tlemcen ya djawhara» (Ô Tlemcen, la perle) dont il composa la mélodie, les paroles étant l'œuvre de feu Hocine Bekhchi, elle fut chantée en 1960 en direct (c'était l'usage) depuis le studio de la radio de Tlemcen avant d'être enregistrée en 45 tours chez Soulimane (maison d'édition précitée). C'est suite à un concours de circonstances (soirée nuptiale à Oran en 1969) que Cheikh Ahmed Mellouk décida de créer son propre groupe de tbal (zorna) qui affichera plus tard une version familiale(Mellouk à la ghaïta et ses trois fils Nasreddine, Abderrahim et Abdou Moutalib, tous au tbal). Artisan cordonnier de son état(et luthier occasionnellement), il pratiquait son métier dans une échoppe à la rue Basse puis derb el Q'tout avant de s'installer à la rue Belle-Treille. Mais depuis l'attentat à la bombe de 1997 qui cibla Bab Zir où il habitait, concomitamment à celui perpétré contre l'hôtel Moghreb, il mit fin à son activité(tant artisanale qu'artistique) à cause des traumatismes qu'il avait subits. Le Cheikh revenait paisiblement de la petite mosquée éponyme où il venait d'accomplir sa prière après avoir lancé le adhan sobh en sa qualité de muezzin bénévole lorsque l'explosion criminelle se produisit?

Le défunt a été accompagné, à partir de Djamaâ el-Kebir par une foule nombreuse, à sa dernière demeure au cimetière Sidi Senouci où il a été enterré hier (dimanche) après la prière du Dohr.