Les Etats-Unis et la France qui ne sont pas parvenus à désarmer les
oppositions internationales que soulève leur décision d'entreprendre une action
militaire contre le régime syrien tentent de les désarmer en affirmant détenir
les «preuves» de l'usage des armes chimiques par les forces loyales de Damas et
en font communication aux Etats dont ils ne desespèrent pas de se rallier le
soutien. Parallèlement, Obama et son équipe à la Maison Blanche et François
Hollande et son gouvernement ont lancé une campagne de lobbying auprès de leurs
parlementaires respectifs pour obtenir d'eux qu'ils cautionnent l'action
militaire à laquelle nombre d'entre eux se sont déclarés hostiles en accord en
cela avec la majorité de leurs opinions publiques. En France où un débat
parlementaire est prévu pour demain mercredi, le Premier ministre, Jean-Marc
Ayrault, a affirmé qu'il allait fournir au parlement français des «preuves» de
la responsabilité du régime syrien dans l'attaque chimique présumée du 21 août.
L'opération du gouvernement français vise à se prémunir de ce qui est arrivé à
David Cameron et son gouvernement devant le parlement anglais : voir sa
décision d'engager le pays aux côtés de l'Amérique désavouée par la
représentation nationale. La même fébrilité dans l'intention de «convaincre» se
manifeste à Washington où Obama, secondé par son vice-président Joe Biden et
son secrétaire d'Etat John Kerry, multiplie les contacts téléphoniques et les
rencontres à la Maison Blanche avec des membres des deux chambres pour tenter
de les faire voter en faveur de la décision présidentielle. Interrogé sur cette
fébrilité, un responsable de la Maison Blanche a affirmé :«Nous martèlerons le
même argument fondamental : si on ne fait rien contre El Assad l'impact
dissuasif de la règlementation internationale contre l'usage des armes
chimiques sera affaibli et cela risque d'encourager El Assad et ses principaux
alliés, le Hezbollah et l'Iran qui verront qu'une aussi flagrante violation des
normes internationales n'entraine aucune conséquence». Faut-il encore que les
preuves supposées démontrer la responsabilité du régime syrien dans l'usage des
armes chimiques emportent la conviction de ceux à qui elles sont produites.
«Preuves» qui n'ont pas eu en tout cas effet sur les dirigeants russes dont le
ministre des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, qui a affirmé lundi n'avoir
«absolument pas été convaincu par les informations présentées jusqu'ici par les
Etats-Unis et leurs alliés». A trois jours du sommet du G20 à Saint-Pétersbourg
durant lequel, vu l'état de fraîcheur des relations entre leurs deux pays,
Vladimir Poutine et Barack Obama n'ont convenu d'aucun tête à tête. Lavrov a
averti que l'action militaire envisagée pourrait reporter pour longtemps, voire
à jamais, les perspectives d'une conférence de paix en vue d'un règlement du
conflit syrien pour montrer que l'hostilité de la Russie aux frappes militaires
ne se relâche pas. Moscou a dépêché en Méditerranée un nouveau bâtiment de
guerre dont la spécialité est la reconnaissance et la surveillance
électronique. La Chine se fait également entendre en tant qu'Etat opposé à
l'action militaire en se déclarant «vivement préoccupée» par l'éventualité
d'actions militaires unilatérales et réaffirme que seule «une solution
politique est envisageable pour résoudre la crise syrienne». Même tonalité dans
les déclarations qui proviennent des responsables iraniens dont le pays est
l'allié inconditionnel de Damas. Mohamed Saïd Zarif, ministre des Affaires
étrangères de Téhéran, pour sa part, a rejeté de nouveau toute intervention
militaire étrangère en Syrie tout en se disant prêt à aider à trouver une
solution pacifique. Disponibilité dont il a fait part au secrétaire général de
l'ONU Ban Ki-moon avec lequel il a eu une communication téléphonique ce
dimanche écoulé. C'est vers ce même Ban Ki-moon que le gouvernement syrien
s'est tourné pour lui demander d'œuvrer en vue «d'empêcher toute agression
contre la Syrie». Le même gouvernement syrien l'a exhorté à «assumer ses
responsabilités et à aller de l'avant vers une solution de la crise syrienne».
Pour ce qui est de la Ligue arabe dont les ministres des Affaires étrangères se
sont réunis dimanche au Caire, elle a appellé la communauté internationale à
prendre des «mesures de dissuasion» nécessaires contre le régime syrien mais
n'a pas donné son aval à l'intervention américaine que les Saoudiens et les
Qataris lui ont demandé d'appuyer sans réserve. Le secrétaire d'Etat américain,
John Kerry, abandonnera momentanément l'équipe qu'Obama a chargée à Washington
de faire du lobbying parmi les parlementaires américains en faveur de l'action
militaire pour se rendre le 1er septembre en Lituanie pour participer à une
réunion des 28 ministres des AE de l'Union européenne. Son invitation par ses
collègues européens a été considérée par le chef de la diplomatie de l'UE,
Catherine Ashton, comme une «bonne occasion» pour un échange de vues». Les
observateurs estiment toutefois que cette visite de John Kerry reste cependant
liée à l'évolution du dossier syrien et que de toute façon «il aura fort à
faire pour rassurer les nombreux pays européens réticents devant un engagement
armé». En Syrie, même les autorités du pays affirment que «l'armée syrienne est
toujours en état d'alerte même si la perspective d'une frappe américaine s'est
éloignée. Le haut responsable des services de sécurité qui a fait cette annonce
a ajouté que «l'agression américaine, si elle se produit, est une forme de
soutien au terrorisme». En Israël, pays voisin de la Syrie et hostile à son
régime, les responsables sont pratiquement les rares à défendre la décision de
Barack Obama de frapper Damas et celle d'en demander l'aval au Congrès. Le
président de l'état sioniste Shimon Peres a appuyé cette dernière en estimant
que Barack Obama a le droit d'entrer en guerre avec l'appui du Congrès plutôt que
sans. Je pense qu'il a des raisons de croire qu'il obtiendra le feu vert», ce
qui n'est pas simple spéculation du président Israélien quand on connaît le
dégré d'influence au sein du Congrès et du Sénat américain des puissants lobbys
pro-israéliens.
Signalons que le dernier
dirigeant de l'ex Union soviétique, Michael Gorbatchev, qui se trouve à Genève,
a appelé le président américain Barack Obama à «tenir compte de l'opinion des
peuples» et ajouté qu'il pense toujours que «le président des Etats-Unis est un
véritable démocrate mais qu'il a du mal à agir comme un démocrate». «Je me
souviens, a encore déclaré Gorbatchev, à quel point c'était difficile pour moi.
Maintenant le président des Etats-Unis est critiqué pour ne pas être assez
résolu. Bien s'il n'est pas suffisamment décidé pour tirer, lancer des bombes,
c'est un bon type d'indécision». «En revanche a conclu Gorbatchev, s'il décide
de tirer sans tenir compte de l'opinion des peuples, partout y compris aux USA,
je pense que les conséquences pourraient être très mauvaises».