Les bateaux de
Cartena (CCN) n'ont pas coulé mais ils sont sur cale, sur la route, dans un terrain
près d'un cimetière à Ténès. Sous le ciel, le soleil et les éléments. La PME
n'a pas eu un temps de sursis pour trouver de nouveaux lieux après que la
Sonaric (ex ?) qui n'en fait pas usage depuis des années l'ait sommée de
déguerpir de ses locaux. Réflexion désabusée d'un armateur du coin : on dirait
qu'on veut contraindre les Algériens a toujours importer ses bateaux de pêche -
ou de plaisance - de l'étranger. Espérons qu'il ne s'agit pas d'un épilogue et
que personne ne décrètera pour elle que «BaborGhraq» ! Mais il y a en effet
quelque chose d'exemplaire dans les ennuis - très évitables même si la légalité
est sauve dans cette affaire - de la PME CCN. Les autorités paraissent en effet
s'inquiéter, à nouveau, de l'explosion de la facture et du volume des
importations de biens et de services. Elle pourrait atteindre la bagatelle de
72 milliards de dollars à la fin de l'année. Le débat est vieux en Algérie et
il reste actuel : qu'est ce qui fait qu'importerest plus facile, plus rentable
que de produire ? Le constructeur de bateau de Ténès a sa propre idée. Les
intentions et les proclamations, anxieuses, sur la hausse de la facture des
importations ne se traduisent pas par des politiques de bon sens qui consistent
à favoriser l'investissement productif au détriment de l'import. L'Algérie présente
la mauvaise originalité d'être restrictive pour les investisseurs étrangers sur
l'ensemble des secteurs (règle du 51/49) tout en restant très ouverte pour les
exportateurs de produits et de services vers notre pays. Le paradoxe du
discours «anti-import» algérien tourne carrément à l'absurdité économique. Au
lieu de regarder la courbe de la facture des importations et d'agir par des
mesures administratives auxquelles les importateurs s'adaptent sans aucune
difficulté - que ce soit l'interdiction du crédit auto ou le Credoc -, il faut
changer de politique. Il ne s'agit pas de faire une «révolution» mais de mener
des politiques de bon sens : on ne peut pas mettre en place un système
dissuasif pour l'investissement en imposant «partout» la règle de 51/49 et se
plaindre que ces investisseurs étrangers potentiels se contentent d'envoyer
leurs produits via les opérateurs de l'import. Ce manque de cohérence permet de
poser légitiment, avec Mouloud Hedir dans le remarquable entretien ci-contre,
de l'influence excessive sur le pouvoir politique des «réseaux dont les
intérêts sont plus liés à ceux des exportateurs de quelques grands pays
partenaires qu'à ceux que préoccupe la promotion de l'investissement et de la
production sur notre propre territoire». Le constat que le commerce extérieur
n'est pas «son fonctionnement actuel, au service du développement de l'économie
nationale» ne fait pas de doute. Le «Babor» n'a pas coulé grâce à des
ressources fossiles non-renouvelables et qui s'étiolent. Raison de plus pour
réfléchir et cesser de le mener continuellement vers de dangereux récifs.