Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

Point de vue : Un pas vers la désignation du candidat du consensus

par Mohamed Ghriss

Plébiscité par ses partisans et alliés dans un FLN en proie à des dissensions internes, Amar Saadani (et non Saidani, semble ?t-il), a finalement été intronisé nouveau secrétaire général du doyen des partis algériens. Et ce malgré les divergences au sein du parti contestant la régularité de la désignation de cet homme qui, quoique mal vu par certaines parties objectant son implication dans une affaire de corruption étouffée jusque là, parait néanmoins aux yeux du pouvoir actuel comme présentant, vraisemblablement, le virage le moins coûteux à prendre en prévision de la prochaine présidentielle de 2014.

Et contrairement à ce que croient certains, le nouveau secrétaire général du FLN ne sera pas forcément le prétendant favori à la magistrature suprême, il n'en a pas l'envergure ni la cote populaire : le bonhomme, pourra-t-on se risquer à avancer, aura simplement pour feuille de route de préparer la voie au candidat du consensus arrangeant les hautes sphères. Autrement dit, Amar Saadani servirait de rampe de lancement au candidat qui sera choisi par les décideurs pour la présidentielle après avoir écarté, à son niveau, un dangereux rival au poste de SG du parti. En l'occurrence Benflis et éventuellement d'autres en leur coupant l'herbe sous les pieds, en les privant, conséquemment, des atouts d'une large base de soutiens et, du coup, constituer un semblant d'unité majoritaire des rangs du FLN malgré les dissensions persistantes en son sein. Pour que, le moment venu, les consignes soient données pour le soutien massif du candidat à la magistrature suprême, partant naturellement favori par rapport aux autres futurs candidats, connaissant le mode de fonctionnement de la machine électorale en Algérie.

Ainsi, à sept mois de la présidentielle, le pouvoir en place parait s'être attelé à régler, coûte que coûte, la crise surfaite du FLN puis celle du RND, afin de pouvoir ouvrir la voie au candidat « consensuel » du régime. Ce choix « sans surprise » intervenant - ne se lasseront pas de justifier voix officielles et autres parallèles, - dans un contexte conjoncturel explosif, lié d'une part à la maladie du président et d'autre part à la précipitation des évènements aux frontières du pays et dans le monde (évènements dans le voisinage en Tunisie, Lybie, Egypte, Mali, au Sahel, en Syrie, sans omettre ce qui se passe dans les zones frontalières avec le Maroc, etc.). Situation plaidant, peut-on percevoir chez les différents tenants des sommets du pouvoir (le triangle « Présidence- DRS- Armée »), pour une jonction conjoncturelle des intérêts communs qui se confondraient, en l'heure actuelle, suivant une vision qui se veut prudente, avec l'intérêt de la nation?et qui pourrait être aussi celui de la continuité du maintien de leur nomenclature et ses héritiers aux commandes du pays.

Aussi, il ne faut guère être surpris si demain, le nouveau secrétaire général qui affiche clairement son penchement du côté de la présidence, va se retrouver dans le rôle spécialement conçu pour lui de préparateur, vraisemblablement, de la voie au quatrième mandat en vue du président Bouteflika qui semble de plus en plus se remettre de la mauvaise passe dans laquelle il s'était retrouvé. Des échos font état, depuis quelques temps déjà, que le président pourrait assurer « la transition souhaitée de deux ans », à l'issue de laquelle il céderait les rennes à un vice-président désigné, qui ne serait autre, en l'état actuel de la donne politique algérienne, que Abdelmalek Sellal. Ce dernier constituerait le dauphin idéal pour le régime algérien du fait, laisse-t-on entendre, qu'il présente l'avantage d'être technocrate, assez souple et populaire, natif du Constantinois, ayant exercé dans l'Oranie et « d'origine kabyle », ce qui n'est pas sans représenter un certain poids électoral si dès 2014 l'actuel Premier ministre serait candidat à la magistrature suprême.

Pour ceux qui ont l'habitude de parcourir en filigrane l'évolution de l'actualité politique nationale, en considérant terre à terre les données concrètes du moment, Abdelmalek Sellal a déjà commencé la mise en exécution de sa feuille de route en se rendant dans plusieurs wilayas du pays, accroissant du coup sa cote de popularité. Et sur ce plan il a une certaine avance sur ses rivaux qui ne disposent pas, bien évidemment, des atouts qu'a en mains Sellal qui ne compte pas s'arrêter là : l'ex-ministre de la Jeunesse et des Sports, susurre-t-on, n'allant certainement pas rater l'occasion des matchs décisifs de la qualification du onze national au prochain Mondial de football au Brésil pour mettre davantage en avant l'icône de sa succession annoncée ? «de loin préférable à celle potentielle et repoussante d'un Amar Saadani», comme il se fait propager d'ores et déjà dans les milieux populaires, ainsi que le veut, apparemment, le scénario du plat mijoté de la stratégie mise en haut par nos sempiternels apparatchiks.