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Seuls les aveugles continuent de penser, comme l'a
dit John Kerry avant les carnages, que l'armée égyptienne œuvre à rétablir la
démocratie. Elle n'a fait que reprendre au prix d'un coût élevé en vies
humaines et un risque sérieux d'instabilité durable les concessions faites au
mouvement du changement au sein de la société égyptienne. Ce mouvement du
changement qui représentait différents courants a désormais implosé ; des
présumés démocrates ne demandent plus le changement, ce qu'ils demandent c'est
la répression et le bannissement des Frères musulmans, voire de tous les
islamistes. Ils sont même ouvertement en alliance avec les sbires de Hosni
Moubarak.
Le processus de changement a été bloqué en Egypte et personne ne peut pronostiquer quand, comment et à quel prix il reprendra. Pour l'instant, cette remise en cause de la démocratisation et ce retour en force du régime autoritaire font le bonheur des monarchies du Golfe. Pour ces régimes-là, des idées comme la citoyenneté ou la souveraineté du peuple exprimées librement à travers les urnes sont une «perversion», une «menace». Les discours primitifs qui viennent d'Arabie Saoudite en sont l'illustration. La victoire de la réaction serait ainsi totale si la Tunisie, en proie à de sérieuses difficultés politiques, échoue à mener à son terme la transition. Les ingrédients sont plus ou moins réunis. Un gouvernement contesté et une Assemblée nationale constituante dont les travaux ont été suspendus par son président. Après le 3 juillet, certains courants tunisiens, certains de gauche, se sont mis ouvertement à rêver d'un scénario égyptien. Plus d'un mois plus tard, à moins d'une pulsion suicidaire, ils ne peuvent ignorer à quel point ce scénario est un désastre pour le pays, pour sa paix civile et pour la démocratie. D'un autre côté, Ennahda paraît étrangement rigide. Certes, il n'a pas tort de dire que dans un contexte aussi hyper-politisé de la transition tunisienne, l'idée d'un gouvernement de «technocrates» n'a pas de sens. Un gouvernement politique avec une représentation large est la meilleure option. Mais Ennahda peut débloquer la situation en prenant l'initiative de dire que malgré son statut de parti majoritaire, il renonce à diriger le gouvernement. Les responsables du mouvement Ennahda cogitent encore sur la décision à prendre mais ils auraient tort de croire que le temps n'est pas compté. Il faut achever la transition et c'est au niveau de l'Assemblée nationale constituante que l'essentiel se joue. Et c'est bien ce qu'a compris le syndicat UGTT qui a appelé toutes «les forces politiques à cesser de gaspiller du temps et à accélérer la quête d'une solution consensuelle». On connaît la vision de l'UGTT et elle ne manque pas de cohérence : pas question de remettre en cause l'Assemblée nationale constituante et de créer un vide propice aux surenchères démagogiques. Par contre, le gouvernement est négociable et sa recomposition peut être un moyen de rétablir la confiance. Certains opposants ne sont pas à la recherche de solutions, ils veulent créer des problèmes. Il n'est pas judicieux de la part d'Ennahda de leur faciliter la tâche. C'est en cela que sa responsabilité est immense dans la création des conditions d'un achèvement du processus de transition. L'ENJEU DU GOUVERNEMENT N'EST PAS FONDAMENTAL, CE QUI COMPTE EST DE TERMINER, DANS LE CONSENSUS LE PLUS LARGE, LA REDACTION DE LA CONSTITUTION AVANT D'ALLER, A NOUVEAU, AUX URNES. SEUL MOYEN SERIEUX DE TRANCHER SUR LE POIDS DES UNS ET DES AUTRES. POUR EUX-MEMES ET POUR LE RESTE DU MONDE ARABE, LES TUNISIENS DOIVENT REUSSIR. POUR EMPECHER LES REACTIONNAIRES DE CROIRE QU'ILS ONT DEFINITIVEMENT ECRASE LE MOUVEMENT DU CHANGEMENT. |
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