C'est aujourd'hui le jour de tous les dangers en
Egypte, celui où la perspective démocratique risque de vaciller voire de
s'effondrer durablement dans les violences et la guerre civile. Laïcs,
libéraux, militants de gauche mais également des anciens du régime de Moubarak
forment une coalition hétéroclite, unie passagèrement contre le président
Mohamed Morsi et tentée par le passage en force. Elle lance aujourd'hui le
«tamarod», la rébellion, pour faire dégager un président élu et imposer une
présidentielle anticipée. Une démarche prise au sérieux par les Frères
musulmans qui ont décidé, à leur tour, de jouer la rue sous le slogan, la
«légitimité, une ligne rouge». Le pays est, il faut le dire, au bord de la
rupture et la guerre civile est devenue un risque réel. Les affrontements du
vendredi avec un bilan de plusieurs morts le montrent. Que l'Egypte en arrive, une
année après une élection présidentielle, libre et incontestée, à un gigantesque
bras de fer dans la rue est le signe d'un formidable échec des forces
politiques du pays. L'échec est général. Celui de Mohamed Morsi lui-même qui,
face aux blocages réels qui lui ont été créés par le «système», a réagi de
manière autoritaire au lieu d'agir en politique avisé en charge d'une délicate
transition. Le pays s'est retrouvé dans un cercle vicieux avec un blocage
politique et institutionnel sur fond de dégradation de la situation économique
et sociale. Les réponses autoritaires ont ainsi alimenté de nouveaux blocages
et ont mis le pays dans une situation de guerre de positions permanente entre
la présidence et la Haute cour constitutionnelle issue, ce n'est pas un détail,
de l'ancien régime. Au plan politique, les forces du changement qui ont poussé
Moubarak vers la sortie ? et non pas le système qui résiste - se sont divisées.
LA POLARISATION N'EST PLUS, AUJOURD'HUI, ENTRE
L'ANCIEN REGIME ET LES AUTRES ; ELLE EST ENTRE LES FRERES MUSULMANS ET UNE
COALITION OU L'ON RETROUVE AUSSI BIEN DES ANCIENS DU REGIME QUE LEURS OPPOSANTS
D'HIER. LE CANDIDAT DE GAUCHE A LA PRESIDENTIELLE, HAMDINE SABBAHI, L'A
ILLUSTRE DE MANIERE ELOQUENTE EN DECLARANT QUE CEUX QUI ONT «CRIE A BAS LE
POUVOIR MILITAIRE ONT FAIT UN TORT A LA REVOLUTION». POURTANT, LE BILAN DE LA
GESTION DU PAYS PAR LE CONSEIL SUPERIEUR DES FORCES ARMEES (CSFA) A ETE DES
PLUS CALAMITEUX ET IL PESE D'AILLEURS SUR LA SITUATION D'AUJOURD'HUI. LE PROPOS
DE SABBAHI EN DIT LONG SUR L'ETAT D'ESPRIT D'UNE PARTIE DE L'OPPOSITION
EGYPTIENNE QUI SEMBLE PRETE A FAVORISER LE RETOUR DES MILITAIRES ET LE COUP
D'ETAT POUR SE DEBARRASSER DE MOHAMED MORSI. CELA PERMET AUX FRERES MUSULMANS
DE SE POSITIONNER EN DEFENSEURS DE LA LEGITIMITE DEMOCRATIQUE, FERMEMENT
DECIDES A NE PAS PERMETTRE UN «COUP D'ETAT». LES FRERES MUSULMANS ONT EU, UNE
ANNEE DURANT, LA PREUVE QU'ILS NE PEUVENT GERER LA TRANSITION TOUT SEULS, MAIS
L'OPPOSITION S'ILLUSIONNE EN CROYANT QUE LE PAYS PEUT ETRE GERE SANS LES FRERES
MUSULMANS. A DEFAUT D'UN ACCORD POLITIQUE PERMETTANT A LA TRANSITION DE SE
REMETTRE EN MARCHE, LA POLARISATION POLITIQUE ACTUELLE CREE LES CONDITIONS
D'UNE REPRISE EN MAIN AUTORITAIRE. L'ARMEE NE SEMBLE PAS PRETE A SE REMETTRE
SUR LE DEVANT DE LA SCENE APRES AVOIR VU SES INTERETS MENAGES PAR MOHAMED
MORSI. ELLE POURRAIT CEPENDANT ETRE CONTRAINTE DE LE FAIRE DANS LE SCENARIO DU
PIRE : CELUI D'UNE GUERRE CIVILE QUI RUINERAIT DURABLEMENT LA PERSPECTIVE
DEMOCRATIQUE ET RALLONGERAIT LA VIE DE L'AUTORITARISME.