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Le chef de gouvernement turc, Tayyip Erdogan, n'a pas
renoncé à sa tournée maghrébine malgré la persistance des tensions dans son
pays. L'homme ayant été indubitablement élu n'a pas jugé utile de renoncer à
une tournée prévue de longue date et où il sera flanqué de quelque trois cents
entrepreneurs turcs.
Certains médias en Occident se prêtent à voir dans ce qui se passe en Turquie un remake des «révolutions orange» des ex-pays de l'Est, d'autres ont troqué l'analyse des faits par une sorte de joie à l'idée de pourfendre la version la plus «soft» de l'islamisme qui s'offre comme une alternative pour un monde arabo-musulman travaillé par les versions les plus dures. Enfin, il y a ceux qui, en Turquie, ont présenté le maintien de la tournée maghrébine d'Erdogan comme une «fuite». Ailleurs, en Europe, des médias souvent agacés par l'assurance du chef du gouvernement turc ont vu dans son attitude un «déni» de la contestation ou de son ampleur. L'anti-islamisme déformant souvent la lecture des faits, il faut constater que si Erdogan fait l'objet d'une contestation menée par les couches les plus «modernistes» de la société turque avec un éventail allant de l'extrême-droite à l'extrême-gauche, il n'est ni dans la posture des anciens dirigeants des pays de l'Est, ni dans celle des autocrates arabes «dégagés» par le «printemps arabe». Erdogan et son parti l'AKP ne sont pas au pouvoir par un coup de force ou par de la tricherie électorale, ils le sont par les urnes. Dans les pays où les urnes ne sont pas contestées et ne sont pas mensongères, il arrive que de grandes manifestations aient lieu et avec parfois des débordements de violence mais personne ne s'attend à ce qu'elles fassent tomber le gouvernement. C'est ainsi dans les démocraties institutionnalisées. Pour démettre un gouvernement, il faut utiliser les procédés institutionnels et non la rue. Celle-ci peut inciter ceux qui sont dans les institutions à poser la question de confiance ou à essayer de faire tomber le gouvernement mais il leur faudra passer par l'arithmétique basique d'un nombre de voix suffisant au niveau des institutions. Cela n'est pas le cas en Turquie où l'AKP est majoritaire. Cela pourrait être le cas - cela reste à démontrer - lors des prochaines élections si une autre force politique parvient à convaincre les Turcs de ne pas voter majoritairement pour l'AKP. Erdogan a un style à lui, souvent cassant et même autoritaire, mais il n'est pas un dictateur. Que ses adversaires politiques soient vigilants contre des tentations d'imposer sa propre vision de la morale sociale, cela relève du combat légitime en démocratie. Mais dans un pays où les élections libres se sont imposées au fil des années après une série de coups d'Etat et contre une tutelle envahissante de ce qu'on appelle «l'Etat profond» - c'est-à-dire un réseau informel composé des militaires et des élites laïques -, jouer la rue contre l'urne est très risqué. Tout le monde sait - même si on semble l'occulter - que l'AKP a les moyens d'occuper la rue? Dans un pays où l'arrivée au pouvoir de l'AKP a été une sortie de la tutelle de l'armée, jouer la rue peut être un avertissement à se corriger mais il ne mène pas nécessairement à un printemps. La rue pourrait tout juste faire renaître les vieilles démangeaisons putschistes ou militaristes. L'anti-islamisme qui cherche à utiliser le putsch comme moyen n'a pas vraiment d'avenir. |
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