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« Ce pur produit de l'ENA qu'est François Hollande se
faisant élire à Tulle, c'est la fin de tout! Ça veut dire le Front national à
20% dans dix ans». Le propos, prémonitoire au pourcentage près, serait de Pierre
Bourdieu à la fin des années 80. Didier Eribon, auteur d'un livre paru en 2007,
«D'une révolution conservatrice et de ses effets sur la gauche française», a
rappelé cette observation du grand sociologue alors que les révélations des
affaires dévastent, politiquement et moralement, de manière très précoce la
gouvernance «socialiste» de François Hollande. Une quasi-faillite qui s'est
accompagnée de mensonges éhontés et de manipulations hasardeuses.
Ainsi pour avoir critiqué le ministre des Finances, Pierre Moscovici, actuellement en piteuse posture pour ses tentatives de masquer la tromperie de Jérôme Cahuzac, l'ex-ministre du Budget, Jean-Luc Mélenchon, président du Parti de Gauche, a essuyé de la part des éditocrates parisiens l'accusation infamante et gravissime d'antisémitisme. Heureusement pour lui qu'un journaliste a retranscrit l'intégralité de ses propos. Les journalistes d'Algérie et d'ailleurs devraient aller sur le site d'Acrimed pour lire le décryptage d'une tentative exemplaire de diabolisation qui aurait pu réussir. Ils peuvent précisément mesurer le jeu de médias, en connivence avec les politiques, montant en épingle une phrase tronquée pour «abattre» un trouble-fête. Ils pourront aussi observer avec fascination que le mot neutre de «finance internationale» peut perdre sa neutralité quand les éditocrates le décident. M. Mélenchon est ce qu'on peut appeler un «laïcard» idéologique plutôt perméable à l'islamophobie mais dans le climat actuel cela ne porte pas à conséquence, cela n'est pas éliminatoire comme l'accusation d'antisémitisme. Sauvé par la réaction rapide de journalistes honnêtes, M. Mélenchon se lance résolument dans la bataille en appelant pour le 5 mai prochain à une marche pour la 6ème République. Le Parti de Gauche ne veut pas laisser à l'extrême-droite lepéniste le monopole de la contestation. Mélenchon est d'une implacable sévérité à l'endroit du président François Hollande, un «homme débordé par la situation». Comme il est difficile d'attaquer le chef du Parti de Gauche à propos des «affaires» qui embourbent piteusement la première année de la présidence de Hollande, on tape volontiers sur ses «outrances verbales», selon la formule de la porte-parole du gouvernement Najat Vallaud-Belkacem. L'ennui pour les socialistes français est que ce ne sont pas les «outrances» présumées qui posent problème mais la dilution et la désactivation du système démocratique où la «représentation» de «gauche» comme de droite est assumée par une même classe et des personnalités parfaitement interchangeables. En Occident, la pensée dominante considère que la menace contre la démocratie vient des «extrêmes». Ce n'est pas faux, encore que les extrêmes sont tellement visibles qu'ils provoquent rapidement des réactions de défense. Mais depuis au moins deux décennies, la démocratie est totalement supplantée par la «finance» et elle a grandement perdu de sa vitalité. Si la droite reste la droite, la gauche, elle, est méconnaissable. Et le plus frappant est que la «représentation» politique qu'elle soit de gauche ou de droite est assurée par le même vivier, la même caste qui mène la même politique. Et qui s'offre régulièrement des boucs émissaires ou des repoussoirs comme dérivatifs à la vacuité politique. Les tentatives de Mélenchon de redonner du sens à la gauche aboutissent logiquement à vouloir un changement de système. Il n'est pas certain qu'il réussisse? Mais son offensive est bien le signe que les choses ont atteint une limite dangereuse. Et que la classe gauche-droite qui gouverne crée par ses connivences d'argent et son immoralité les conditions favorables pour le retour de l'extrême-droite et du fascisme. |
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