Tiguentourine. En
quelques jours, il a plu des coups durs dans ce lieu qui a acquis, sans le
vouloir, une très mauvaise célébrité planétaire. Une frontière violée par un
groupe terroriste multinational qui aura accompli, à notre détriment, une
terrible et sanglante équipée. Un site gazier occupé et miné et ? surtout,
surtout des otages tués. Le pire des scénarios auquel on a réchappé dans les années
90, alors qu'il était plus ou moins imaginable, nous surprend en 2013 dans une
sorte de dolence politique et institutionnelle ? ou paralysie pour être plus
cru ? inquiétante. Dans un contexte de guerre au Mali, de Françafrique à peine
relookée mais insidieusement hantée par le péril jaune qui grignote les
derniers pré-carrés et d'une Libye durablement troublée, on a eu droit à la «
totale ». C'est comme s'étaient retrouvés en un espace relativement réduit et
pendant un temps qui a semblé une éternité la somme de tous les périls. Sur des
frontières rendues menaçantes par une déstabilisation de la Libye qui met le
Sahel sens dessus-dessous. On le savait. On s'en inquiétait. On n'a pas pu
empêcher le sale coup. Et c'est cela qui devient le plus important. Savoir est
censé permettre de mettre en œuvre des actions, se préparer et se prémunir.
Bien sûr, il n'existe pas de risque zéro. Mais certains risques sont tellement
graves qu'il convient de chercher le zéro. Constamment. Aujourd'hui, des
entreprises pétro-gazières rapatrient leur personnel au moment même ? hasard du
calendrier ? où l'assemblée nationale s'apprêtaient à voter la nouvelle loi sur
les hydrocarbures censée les attirer davantage grâce à un allégement de la
fiscalité et diverses incitations. Les braves militants anti-gaz de schiste qui
avaient plus ou moins réussi à imposer un débat sur le sujet savent désormais
que celui-ci passe au second. Les anti-schistes parlaient beaucoup de sécurité.
On en parle désormais encore plus mais en rapport avec ce qui s'est passé à
Tinguentourine. Et il faut en parler sérieusement. Plus que jamais, il faut
refuser une certaine tendance maladive à imputer ce qui arrive à une incapacité
génétique ou congénitale algérienne. Cela n'explique rien, cela permet, tout en
insultant, de faire diversion et d'éviter de poser les questions sur les
responsabilités, sur la validité des dispositifs de sécurité mis en œuvre et
sur les raisons politiques d'une impotence institutionnelle qui fait que
l'Algérie ne sait plus faire aujourd'hui ce qu'elle faisait bien il y a trois
décennies. La question de la sécurité est centrale. Elle n'est pas purement
technique. Elle a de lourds aspects politiques liés à un fonctionnement
sous-performant de l'Etat. Il faut auditer, non seulement, la centrale de
Tiguentourine mais aussi l'ensemble du fonctionnement de l'Etat, de l'économie
et du pays.