|
Envoyer à un ami |
Version à imprimer |
Version en PDF
La guerre au Mali se poursuit même si elle a été éclipsée médiatiquement
par la grande prise d'otages d'In Amenas. Les forces françaises qui se sont
déployées au sol ont entamé un déploiement vers le nord du Mali. Elles sont
arrivées dans les villes de Niono et de Sévaré.
Paris cherche surtout à obtenir l'arrivée rapide des forces armées des pays africains. «La France ne doit pas rester seule» est devenue une idée fixe chez les responsables français et des médias français ont vu dans l'opération d'In Amenas un signe que cette solitude française est finie. La Cédéao, Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest, totalement alignée sur la France a demandé à l'ONU «de fournir immédiatement l'appui logistique et financier pour le déploiement de la Misma» (Mission internationale de soutien au Mali). Quelque 2.000 membres de la Misma doivent être déployés d'ici au 26 janvier. Quelque 150 soldats sont déjà arrivés à Bamako, dont une cinquantaine de militaires sénégalais sur les 500 promis par Dakar. Les Allemands, très fortement critiqués dans les médias français pour leur «non-engagement», ont promis une nouvelle aide financière aux pays africains qui s'engagent dans l'opération militaire. Des annonces en ce sens devraient être faites le 29 janvier prochain pour la réunion des pays donateurs à Addis-Abeba. Le chef de la diplomatie française, Laurent Fabius, a indique que la Russie avait offert à la France d'acheminer des troupes ou matériels français au Mali et que le Canada prendrait en charge une partie du transport de la force africaine au Mali. UNE «INTERNATIONALISATION» LIMITEE Ces soutiens à l'intervention française et aux forces africaines appelées à être engagées permettent à Paris «d'internationaliser» l'action en cours. Mais cela reste limité en Occident à des soutiens financiers ou, au plus, logistique. Les Etats-Unis et la Grande-Bretagne ont exclu d'envoyer des troupes. L'armée malienne a patrouillé samedi en périphérie de Diabali, où la situation «n'est pas très claire», selon un officier français à Niono, qui estime toutefois que «a priori les combattants rebelles ont quitté la ville», tout en soulignant leur «détermination à se battre et leur mobilité». Un colonel malien a exprimé sa suspicion à l'égard de la population de Diabali dont une patrie a, selon lui, «adhéré aux thèses jihadistes». Mais à l'évidence, les islamistes n'ont pas intérêt à rester dans les villes où le rapport de forces leur est défavorable. Comme il était prévisible, ils sont en train de se replier vers les zones montagneuses du Nord. Ainsi que le craignait des ONG et des notables, les communautés arabe et touareg au Mali sont victimes d'exactions et d'actes de vengeance. Mohamed Oumrani, président d'Al-Carama, «Alliance de la communauté arabe du Mali», a parlé d'exactions, des violations de domicile. «Combien? Je n'ai pas les chiffres précis. Ce n'est pas la peine de les citer, ils ne doivent pas se répéter? L'armée malienne doit s'occuper des adversaires et préserver les innocents». Human Rights Watch a également indiqué disposer d'informations «crédibles faisant état de graves abus commis par des membres des forces de sécurité maliennes contre des civils, en particulier des Touaregs et des Arabes, dans et autour de la ville de Niono (ouest). Ces violences incluent des meurtres». La Fédération internationale des droits de l'homme (FIDH) a fait état de dix cas de disparitions forcées ou d'exécutions sommaires à Sévaré, où l'armée malienne dispose d'un poste de commandement opérationnel. UNE «GRAVE ERREUR» Le président malien par intérim Dioncounda Traoré a promis samedi de «gagner la guerre» contre «l'Internationale islamiste», en prononçant un discours martial à la veille de la fête de l'armée malienne. Même si on ne connaît pas l'ampleur des exactions évoquées, ces faits confirment les appréhensions déjà exprimées par les populations touaregs et arabes devant le retour de l'armée malienne dans l'Azawad. La mémoire de ces populations marquée par les violences et les massacres commis par l'armée malienne en 1994. L'appréhension est d'autant plus grande que des ONG avaient fait état, avant même l'intervention française, de l'établissement de listes de personnes à liquider par des militaires et des miliciens maliens. Quelques analystes français tranchent avec l'unanimisme ambiant qui règne en France au sujet de l'intervention militaire au Mali. Au Mali, «la motivation de la France est très classique et dans la lignée de la Françafrique», a estimé Philippe Moreau-Defarges de l'Institut français des relations internationales (Ifri). Il y a voit une réaction destinée à sauvegarder des positions face à la Chine. «Cette partie du monde est en train d'échapper à la France et il fallait rester présent dans cette région», a-t-il ajouté. Bertrand Badie, professeur à l'Institut d'études politiques de Paris, considère que la guerre engagée par François Hollande était une «grave erreur». La déstabilisation en Afrique de l'Ouest «est un dossier difficile dont il aurait fallu débattre». Ce n'est pas une guerre contre «une bande de terroristes», c'est une intervention «dans un immense espace en rupture». La guerre française «ne va pas mettre fin» au terrorisme, à la pose de bombes ou aux prises d'otages, insiste le professeur Badie. Des avertissements qui doivent être entendus en Algérie alors qu'on tente de l'impliquer encore plus dans une guerre sans victoire à attendre dès lors que les populations concernées ne sont pas prises en considération. |
|