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Des buts de guerre français flous, Alger soutient Bamako : La guerre à nos portes

par Salem Ferdi



C'est la guerre à nos portes. Alger, qui a essayé d'amener Ançar Eddine à renoncer à sa promiscuité avec Aqmi et le Mujao, semble prendre acte que la démarche aboutit à une impasse.

Le gouvernement algérien s'en tient au fait que l'intervention étrangère se fait sur la base d'une «décision souveraine» de Bamako. C'est un soutien de fait à une intervention dont les objectifs restent flous.

La France est officiellement entrée en guerre au Mali en riposte à une offensive des djihadistes en direction du Sud. Le président français, François Hollande, n'a pas donné de limite de temps à l'opération militaire et les buts de guerre restent assez flous : s'agit-il de stopper l'avancée des djihadistes vers le Sud avec la reprise de la localité de Kona ou d'engager la «reconquête» du Nord tombé entre les mains des rebelles targuis et des djihadistes ? A Bamako, où l'état d'urgence a été décrété, l'intervention française, officiellement sollicitée, a été accueillie favorablement. Le président malien, Dioncounda Traoré, a décrété, vendredi soir, l'état d'urgence et appelé les Maliens à la «mobilisation générale». Il a promis que le Mali portera «une riposte cinglante et massive» à ses «ennemis». «On nous impose la guerre», a-t-il déclaré, en appelant à «un élan patriotique, à la guerre que les ennemis de notre patrie nous imposent». L'armée malienne qui s'était enfuie de Kona affirme l'avoir reprise avec le soutien des moyens aériens français. De nombreux djihadistes auraient été tués à Kona -les chiffres donnés par des sources militaires maliennes vont de 46 à 100 morts- à la suite de raids de l'armée française.

UN FIASCO EN SOMALIE

Le ministre français de la Défense, Jean-Yves Le Drian, a annoncé qu'un officier français avait été mortellement blessé lors d'un raid d'hélicoptères contre une colonne de djihadistes qui roulait en direction de deux villes dans la partie sud du Mali après la prise de Kona. D'autres informations évoquent la destruction de deux hélicoptères Gazelle. Le ministre français de la Défense a affirmé que l'intervention au Mali et l'opération commando de la DGSE (services de renseignements extérieurs) menée en Somalie sont «totalement déconnectées». L'opération somalienne se solde par un fiasco. L'otage français, un agent de la DGSE, Denis Allex, aurait été tué ainsi qu'un militaire français. Les Chebab somaliens qui auraient perdu 17 hommes affirment qu'ils détiennent Denis Allex, toujours vivant, ainsi qu'un autre militaire, officiellement porté disparu. Selon le ministre français, Aqmi, le Mujao et Ançar Eddine avaient pour objectif de prendre la ville de Mopti et d'aller jusqu'à Segoun dernier verrou avant Bamako. C'est la première «sortie» hors du territoire de l'Azawad des groupes djihadistes. L'objectif d'Ançar Eddine était-il d'attaquer avant le déploiement de la force de la Cédéao et des «instructeurs» européens ? Il est probable que la participation européenne ne va plus se limiter à faire de «l'instruction» mais prendra une part plus active à l'effort de guerre, d'autant que la faillite de l'armée malienne a été, une nouvelle fois, établie. Des troupes françaises ont été également envoyées à Bamako, le ministre français parle de «quelques centaines d'hommes». Les pays d'Afrique de l'Ouest ont décidé d'envoyer dans l'immédiat des troupes, dans le cadre de la force internationale de soutien au Mali, comme l'a déclaré dans la soirée le président en exercice de la Cédéao, l'Ivoirien Alassane Ouattara. Les Etats-Unis, eux, envisagent d'aider la France grâce à un appui logistique et des drones de surveillance. Ançar Eddine a réagi en affirmant que l'intervention française aura des «conséquences, non seulement pour les otages français, mais aussi pour tous les ressortissants français où qu'ils se trouvent dans le monde musulman», a déclaré Sanda Ould Boumama à Reuters. «Nous allons continuer à résister et à nous défendre. Nous sommes prêts à mourir au combat». Aqmi, de son côté, avait assuré que la France creuse la tombe de ses «propres enfants».

BELANI : «C'EST UNE DECISION SOUVERAINE DU MALI»

Devant cette guerre qu'elle a essayé d'éviter et qui s'installe à ses portes, l'Algérie s'en tient formellement au fait que l'intervention française est la conséquence d'une «décision souveraine» et elle condamne les «incursions et les attaques menées par les groupes terroristes dans la région de Mopti qu'elle considère comme une nouvelle agression contre l'intégrité territoriale du Mali», a affirmé M. Amar Belani, porte-parole des Affaires étrangères. Il a exprimé un «soutien non équivoque aux autorités maliennes de transition avec lesquelles le gouvernement algérien entretient des relations de coopération multiforme, y compris dans le domaine militaire. Elle tient à assurer le peuple du Mali de sa fraternelle solidarité afin qu'il puisse recouvrer sa pleine souveraineté sur toute l'étendue de son territoire national», a ajouté le porte-parole. Alger s'abrite ainsi derrière la décision «souveraine» du Mali qui a sollicité l'aide des puissances amies. «Il faut surtout bien noter que c'est une décision souveraine du Mali», rappelant que c'est ce dernier qui «a demandé l'aide de puissances amies pour renforcer ses capacités nationales de lutte contre le terrorisme». En réalité, Alger n'avait pas les moyens de s'opposer à une telle évolution. Les équivoques d'Ançar Eddine ne l'ont pas particulièrement aidé dans sa défense de l'option politique. Il reste à ne pas se laisser entraîner dans cette guerre décidée par d'autres. C'était sans doute l'objet principal de la réunion tripartite de Ghadames entre Alger, Tunis et Tripoli.