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La victoire du «oui» en faveur de la Constitution défendue par les islamistes en Egypte ne semble pas vraiment contestable même si l'opposition maintient qu'il y a eu des fraudes et des irrégularités durant le référendum. Les chiffres officiels font état de 63,8% de votants en faveur de la Constitution, ce qui dépasse le seuil de 60% fixé approximativement comme un niveau minimal à atteindre pour éviter les contestations. Mais il est difficile d'occulter que le taux de participation, toujours selon les chiffres officiels, n'a été que de 32,9%. Il y a donc 68,1% d'Egyptiens inscrits qui ont boudé un scrutin référendaire majeur. Cela suffit pour contraindre les politiciens, tous les politiciens, mais surtout ceux qui se voient en vainqueurs, à plus de modestie. Plusieurs éléments peuvent être relevés dans cette abstention qui traduit un niveau élevé d'insatisfaction à l'égard de l'offre politique née du «printemps» en Egypte. Le nombre substantiel de ceux qui sont partis «pêcher sur les rives du Nil» le jour du vote montre que la très redoutable capacité de mobilisation et de persuasion des islamistes a des limites. A l'évidence, ils ne parviennent pas à mobiliser au-delà du noyau solide des convaincus. C'est d'autant plus remarquable que les islamistes dans toutes leurs variantes, salafiste et frériste, ont mis le paquet en faveur du «oui». Ils obtiennent une part majoritaire sur près du tiers seulement des 52 millions d'électeurs inscrits. La victoire électorale des islamistes n'a rien d'hégémonique. On peut objecter que les abstentionnistes ne sont pas non plus satisfaits de l'offre politique incarnée par l'opposition. Cela est indéniable. Mais on est bien dans un contexte où les forces de gauche et les libéraux (au sens politique pas seulement économique) et les nationalistes sont clairement en position de faiblesse par rapport à un mouvement islamiste ascendant. Ce tiers électoral des islamistes - et c'est important à relever -, on le retrouve plus ou moins partout dans les pays arabes. Même pour le vote qui a donné la victoire du FIS en Algérie en décembre 1991, les islamistes tournaient autour de 35% du corps électoral. C'est le système électoral qui avait amplifié ses résultats. Leçon retenue par les Tunisiens où la victoire d'Ennahda ne s'est pas éloignée de ce solide tiers électoral islamiste. Ces résultats confirment le poids des islamistes dans les sociétés arabes où ils arrivent généralement en tête. Ils montrent en même temps qu'ils ne sont pas hégémoniques et qu'il y a de la marge pour ceux qui veulent aller au combat politique. Il y a plus de deux tiers des Egyptiens à convaincre de s'intéresser à la politique et qui ne semblent pas, pour l'instant, trouver dans les élites qui ont émergé après la chute de Moubarak un motif suffisant d'implication. Une autre piste pour décrypter l'abstention électorale en Egypte est que l'électorat qui se reconnaissait dans le régime de Moubarak (il doit bien peser quelque chose) n'a pas trouvé de dérivatif. Pas même dans Amr Moussa qui à force de se distancier de l'ancien président a peut-être convaincu les électeurs «moubarakiens» qu'il n'est pas leur homme. L'ancien secrétaire général de la Ligue arabe n'arrive pas à assumer la fonction de déversoir pour l'électorat favorable à l'ancien régime. Ce que semble faire avec plus de réussite en Tunisie le parti de Nidaa Tounes de Béji Caïd Essebssi. |
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