Il y a quelques
temps, les marchés populaires des villes situées au piémont des montagnes, et
même plus loin, étaient le lieu de rendez-vous de dizaines de marchands de
fruits et légumes fraichement cueillis ainsi que de petits animaux domestiques
comme les poules, les lapins, les dindes, les canards, etc. Ces marchands se
retrouvaient les vendredis, qui sont synonymes chez nous de jours de marché,et
proposaient des légumes de toutes sortes, produits sur les hauteurs
avoisinantes,en quantités artisanales mais dont la valeur nutritionnelle et la
fraicheur étaient sans pareilles. On trouvait aussi des fruits succulents aux
couleurs dorées, des œufs 'entaa eddar' au jaune foncé, des fromages divers
ainsi que des poules, des coqs, des lapins et bien d'autres choses encore. Les
producteurs, de petits fellahs établis en hauteur ou en pleine campagne,
ramenaient leurs produits chaque semaine, les vendaient, achetaient ce dont ils
avaient besoin, généralement du sucre, de l'huile, un peu de farine et quelques
autres produits manufacturés, puis s'en retournaient vers leurs terres qu'ils
cultivaient avec amour. De leur côté, les citadins prisaient ces produits pour
leur saveur inégalée,leur fraîcheur, car c'était la cueillette du jour ou de
celui d'avant, et leur valeur nutritive car, souvent, aucun engrais industriel
n'était utilisé. D'ailleurs plusieurs régions ont acquis une réputation pour
certains produits comme le miel, les olives ou l'huile d'olive et bien d'autres
produits encore. Mais avec l'avènement du terrorisme, plusieurs régions ont été
désertées par leurs habitants, qui ont abandonné leurs activités et, à part
quelques endroits où le terrorisme n'a pas pu faire fuir les habitants, on ne
retrouve plus cette production agricole qui était très recherchée par les
ménagères. Et c'est pour essayer de valoriser ce patrimoine culturel,
économique et civilisationnel que le département d'agronomie de la faculté des
sciences agrovétérinaires et biologiques de l'université Saad Dahlab de Blida,
a organisé à la fin de la semaine écoulée un séminaire international sur 'les
produits agricoles et agroalimentaires du terroir et leur impact sur le
développement local' qui a vu la participation de spécialistes marocains,
français et algériens qui ont donné, chacun selon ses constatations et ses
travaux, des solutions pour la promotion de ces produits du terroir.
En effet, si nous
prenons les exemples des Marocains pour l'huile d'argan ou les Français pour le
fromage de chèvre, nous pouvons dire que les produits agricoles du terroir
peuvent constituer un apport considérable, et être un levier de valorisation
socioéconomique important, pour peu que les mécanismes adéquats soient mis en
place.Mais avant de mettre en place ces mécanismes,il faut commencer par
identifier ces ressources agricoles par régions, par qualités, par capacités de
production puis entamer la labellisation des produits agricoles du terroir,
pour les protéger contre la standardisation et leur donner une place
privilégiée, aussi bien sur le marché national qu'international. Nous pouvons
revenir à l'huile d'argan qui est devenue, en l'espace de dix années, l'huile
la plus chère du monde et très recherchée pour sa finesse et ses qualités nutritionnelles
et même médicamenteuses, et cela grâce aux travaux conjugués des producteurs,
des responsables politiques et des scientifiques qui ont donné, chacun dans sa
spécialité, une labellisation et un plus à cette huile qui était fort méconnue
auparavant. C'est une valeur ajoutée non négligeable qui a contribué à l'essor
socioéconomique de la région où est produite l'huile d'argan. Il y a aussi le
fromage de chèvre (qui peut aussi être produit chez nous) qui a permis à la
région du Languedoc-Roussillon en France, de promouvoir ce produit et d'en
tirer des bénéfices substantiels, en produisant 1500 T par an et en créant un
tissu industriel local,qui a permis la labellisation de ce fromage et de lui
donner une 'AOP' (appellation d'origine protégée) qui le distingue des autres
produits du même type. Chez nous, il reste beaucoup à faire dans ce sens,
surtout quand on sait les dégâts occasionnés à nos zones rurales par le
phénomène du terrorisme et l'abandon de terres à très haut rendement agricole,
dans les zones montagneuses surtout, par le modèle de consommation algérien qui
s'est laissé entrainer par les produits commercialisés, par les
multinationales, qui, pour la plupart, ne possèdent pas les qualités
nutritionnelles que nous trouvons en Algérie. Pour revenir au séminaire, nous
apprenons du Dr Sahli, maitre de conférences à l'université de Blida et
organisateur de cette rencontre, que les thèmes retenus sont l'identification
des ressources végétales et animales du terroir, identification des produits agricoles
et agroalimentaires du terroir dans le cadre d'une analyse filière, les aspects
techniques, juridiques et institutionnels liés à la qualité à la valorisation
et à la promotion des produits, les aspects économiques, les comportements et
la stratégies des différents acteurs et, enfin, l'impact des produits agricoles
du terroir sur le développement socioéconomique local. Plusieurs
recommandations ont été faites par les scientifiques, dans le but de promouvoir
les produits algériens du terroir qui présentent des qualités médicales,
nutritionnelles reconnues partout mais qu'il convient de promouvoir et de
protéger contre toutes sortes de prédation.