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François Hollande arrive en Algérie en
ami. Il rend visite à des amis qui ont de l'argent, et qui ne
savent pas quoi en faire. François Hollande aura bien de la peine à débloquer des relations algéro-françaises figées depuis des décennies. En débarquant à Alger, mercredi, pour sa première visite en Algérie en tant que chef d'Etat, il tentera de faire mieux que ses prédécesseurs, Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy, qui s'étaient cassés les dents sur ce dossier. Le premier avait laissé entrevoir une relation forte entre les deux pays, avant de voir sa démarche torpillée par la loi du 23 février; le second avait promené son arrogance entre Alger et Constantine, après avoir fait miroiter une illusoire Union pour la Méditerranée. Mais il avait fini par sombrer, révélant une effrayante inconsistance qu'il avait réussi à camoufler grâce à un volontarisme particulièrement brouillon. François Hollande tentera, à son tour, d'accomplir un miracle sur ce même dossier. A priori, il dispose d'un avantage important sur ses prédécesseurs: il n'a pas fait l'armée coloniale, ni défendu l'Algérie française, comme Jacques Chirac. Il n'a pas chassé de l'immigré, ni attisé la haine de l'islamophobie, en faisant campagne sur «l'identité française», comme Nicolas Sarkozy. Bien au contraire, le parcours de François Hollande, du moins jusqu'à son accès à l'Elysée, peut amener à le considérer comme un ami de l'Algérie, d'autant plus que ses proches aiment à rappeler qu'il «s'est construit» par opposition à un père qui était plutôt Algérie française. Mais est-ce suffisant pour dénouer le dossier algéro-français ? Rien n'est moins sûr. M. Hollande risque en effet de buter sur des difficultés insoupçonnées, des obstacles qu'il aura d'autant plus de mal à comprendre qu'il est convaincu d'avoir fait preuve de beaucoup de bonne volonté. Les bonnes dispositions de M. Hollande, et le préjugé favorable dont il peut bénéficier à Alger, ne peuvent en effet occulter une autre réalité : le contentieux algéro-français ne relève pas de la simple gestion des relations bilatérales ou d'une coopération complexe, mais c'est un champ de mines que les dirigeants des deux pays doivent traverser sous un feu nourri. En effet, chaque pan des relations bilatérales constitue un enjeu à part. Et chaque volet est pris en otage par des acteurs acharnés à défendre leur terrain de chasse, refusant que quiconque empiète sur leur terrain. Le champ de la mémoire est le plus symbolique de cette confrontation, le plus difficile à maîtriser aussi. A un point tel qu'il apparaît hors de portée des dirigeants politiques, car il est supposé fonctionner exclusivement sur l'émotionnel, donc l'irrationnel. Pour l'aborder, l'Algérie se présente avec ses armes traditionnelles: d'un côté, un pouvoir qui propose de tourner la page sans la déchirer, et de l'autre côté, une périphérie qui exige repentance et reddition morale de l'adversaire. Sans qu'il soit possible de savoir si cette périphérie exprime sa propre position, ou celle du pouvoir. En face, François Hollande s'est débarrassé de l'arrogance sarkoziste et de ses relents d'extrême droite. Mais le chef de l'Etat français n'a aucune marge. En difficulté en France, il ne peut aller loin sur ce dossier, de peur de réactions défavorables dans son pays; mais d'un autre côté, il ne peut se rendre en visite en Algérie sans faire un geste. Résultat : M. Hollande sera particulièrement surveillé sur ce terrain de la mémoire. Son discours et son attitude conditionneront le reste. C'est comme si M. Hollande était soumis à un premier test, celui de la mémoire, qu'il doit réussir avant d'aborder les autres problèmes. Ceux-ci sont pourtant d'une grande importance. La situation au Mali, la coopération économique, le déplacement des personnes, le Sahara Occidental, autant de sujets explosifs sur lesquels les positions divergent de manière tranchée. Au Mali, la France souhaite une intervention militaire pour rétablir l'autorité de l'Etat malien sur tout le territoire. L'Algérie ne veut pas de troupes étrangères à ses frontières sud, et ne veut pas d'intervention qui risque de créer une nouvelle Somalie dans le Sahel. Pour l'heure, c'est la position algérienne qui semble s'imposer, grâce aux? Etats-Unis, qui mettent en doute l'efficacité d'une force africaine supposée stabiliser le Mali. Sur le terrain économique, le dossier Renault est le plus symptomatique des relations algéro-françaises, basées sur le malentendu, parfois sur le mensonge. Renault, en surproduction, ne veut pas investir en Algérie. Le constructeur français a choisi le Maroc pour y implanter une usine qui produira, à terme, 400.000 véhicules par an. L'Algérie, dont le marché devrait atteindre le million de véhicules en 2020, veut coûte que coûte se doter d'une industrie automobile, mais elle s'est enfermée dans un tête-à-tête meurtrier avec Renault. Elle a dépêché des amateurs pour négocier un dossier qui représente cinq milliards de dollars par an. Comment dépasser ce malentendu entre deux partenaires dont l'un triche, alors que l'autre n'a aucune maîtrise de l'enjeu ? La solution risque, encore une fois, d'être trouvée sur le dos de l'Algérie. En échange de quelques phrases prononcées par François Hollande, les entreprises françaises veulent décrocher la timbale. Elles seraient tentées de rééditer le coup réussi par Thalès, qui a été virtuellement sauvée grâce à des contrats décrochés en Algérie. Qui seront les bénéficiaires cette fois-ci ? Peu importe, du moment qu'on pourra oublier Sarkozy. |
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