Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

Nos espoirs dans l'amitié algéro-française

par Michel Vauzelle *

La crise que traverse l'Europe l'éloigne de la Méditerranée. Cette crise financière, économique, est aussi une crise d'identité et une crise morale qui ébranlent les fondements mêmes du projet européen.

Cette crise frappe plus encore les pays méditerranéens de l'Europe, leur modèle de solidarité, leurs réseaux de liens sociaux, une façon de vivre et une éthique méditerranéennes. Ces pays qui constituent l'interface de l'Europe et de la Méditerranée, sont les plus ouverts à la Méditerranée, ceux qui projettent le plus leur avenir en Méditerranée. Ils en sont une composante. La crise les met sous tension notamment en matière sociale. Ils doivent réduire leurs politiques publiques. Ces efforts budgétaires risquent de réduire leur présence en Méditerranée.

Quant aux « printemps » arabes, ils portaient la promesse d'une convergence autour de grandes valeurs : droit à la dignité, au respect, liberté d'expression, poussée démocratique, émergence des jeunes et des femmes. L'Europe a eu du mal à en prendre la mesure, comme si cet espace s'ouvrant au sud lui faisait peur.

Aujourd'hui les « transitions » éloignent l'Europe du sud de la Méditerranée. L'Europe a du mal à comprendre la Méditerranée. Elle a du mal à comprendre l'islam.

Dans une période fragile, les peurs favorisent les réactions irrationnelles, émotionnelles, liées à la volonté d'affirmation des identités culturelles. L'islamisation radicale au sud, le racisme et le populisme au nord, peuvent conduire des peuples frères par leur communauté de destin à un avenir d'affrontement.

Pourtant l'Europe a besoin de la Méditerranée comme la Méditerranée a besoin de l'Europe pour sortir de la crise, mais aussi pour confirmer l'identité méditerranéenne dans le monde de demain.

Le monde a besoin pour son équilibre de cet ensemble de 800 millions d'habitants, d'un espace de solidarité, de développement, de sécurité et de stabilité entre Europe, Asie, Afrique. L'enjeu n'est pas régional, il est mondial.

Faute d'une coopération au sein de cet ensemble, l'Europe déclinera peu à peu et le monde arabe manquera une chance historique de développement.

Le risque est une Méditerranée plus divisée que jamais, à l'image d'une Syrie dont l'histoire est celle de la Méditerranée dans ce qu'elle a de meilleur, et qui aujourd'hui nous met sous les yeux ce qu'elle a de pire.

Ces transitions, mutations, instabilités, guerres civiles tournent le dos à la communauté de destin des peuples méditerranéens. Paradoxalement elles confortent le projet méditerranéen comme seule issue.

Il ne s'agit plus de tenir la réunion impossible aujourd'hui des chefs d'Etat de l'Europe et de la Méditerranée. Il faut reprendre la question méditerranéenne par la base, par les peuples. Deux voies :

- la diplomatie de proximité, l'implication des élus locaux et régionaux, des parlementaires et de la société civile dans une gouvernance démocratique

- une approche pragmatique visant à rassembler des groupes de pays autour de projets concrets

La relance du processus 5 + 5 en est une illustration et la diplomatie interrégionale et interparlementaire peut y jouer un rôle moteur.

L'Algérie peut jouer un rôle clef par son poids démographique et économique et par sa place de puissance régionale à l'interface entre l'Afrique, la Méditerranée et l'Europe.

La présence du Président Hollande à Malte le 5 octobre pour relancer et redynamiser le 5 + 5 vise à renouer le dialogue méditerranéen avec deux défis plus particulièrement à relever : la transition démocratique et le développement économique. Cette méthode est l'inverse de la manière Sarkozy. Compte tenu des difficultés actuelles de l'Espagne et de l'Italie, le 5 + 5 doit fonctionner autour de la relation franco-algérienne.

Le 5 + 5 doit être moteur dans la reprise du dialogue méditerranéen. Son horizon doit être l'ensemble de la Méditerranée. Mais c'est à partir de sa partie occidentale et notamment dans une nouvelle relation franco-algérienne que réside la chance d'une nouvelle histoire entre nos peuples.

Parmi les acteurs de cette la Méditerranée nouvelle il y a la jeunesse, la société civile avec le rôle des femmes, les élus locaux et régionaux, les parlementaires. Marseille accueillera, début avril, le 3e forum des autorités régionales et locales de la Méditerranée à la Villa Méditerranée, le forum de la Fondation Anna Lindh, un forum de jeunes, un forum de femmes, une rencontre de parlementaires méditerranéens.

L'Algérie doit croire dans ce moment de notre histoire commune. On sait en France ce que les Algériens ont apporté lors de la guerre contre l'Allemagne nazie puis après la guerre, par leur travail, par leur talent. Notre pays ne serait pas ce qu'il est sans eux. Aujourd'hui nous plaçons nos espoirs dans l'amitié algéro-française. Elle sera fondatrice de l'avenir de paix, de prospérité et de fraternité pour une Méditerranée aujourd'hui dans la tourmente.

* Président de la Région Provence-Alpes-Côte d'Azur, Vice-président de la Commission des Affaires Etrangères de l'Assemblée Nationale française