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Egypte: un entre deux tours électriques

par Kharroubi Habib

En Egypte dans les dix gouvernorats du pays où le vote pour le référendum sur le très controversé projet de Constitution a eu lieu, l'ambiance était loin de l'euphorie qui a marqué les précédents scrutins de l'ère post-Moubarak.

Néanmoins selon les observateurs, les opérations de vote se sont déroulées généralement dans le calme même si quelques échauffourées se sont produites ici et là entre pro et anti-Morsi, l'armée ayant déployé en renfort aux 130.000 policiers chargés de veiller sur la sécurité du scrutin quelque cent vingt mille soldats. L'autre fait constaté en la circonstance par les observateurs est la forte participation des électeurs. Le mot d'ordre donné dans ce sens par l'opposition pourtant hostile au départ à la tenue du référendum semble avoir été entendu et suivi. Reste à savoir maintenant si la transparence et la régularité du scrutin vont être reconnues par l'opposition dont les porte-parole ont peu après l'ouverture des bureaux de vote dénoncé « la volonté claire » des adversaires islamistes de vouloir « truquer » les résultats du scrutin dans le but de faire passer la Constitution dont ils sont les inspirateurs.

Le Front du salut national (FSN), coalition des principaux mouvements d'opposition, a déclaré avoir constaté de nombreuses « violations » des règles électorales de la part de ces islamistes. Accusation que l'opposition est tenue de trouver faute de quoi elle ne pourra contester la validité du résultat du référendum.

Au soir du premier tour du scrutin référendaire, le président Morsi qui l'a voulu et imposé à ses adversaires peut s'estimer satisfait qu'il n'ait pas donné lieu à des scènes de violence et à un boycott populaire massif. Si les deux choses avaient été au rendez-vous de la consultation populaire, cela aurait en effet confirmé que le rejet du référendum exprimé par l'opposition correspond à la volonté du peuple égyptien. Le président Morsi et ses partisans n'ont pas pour autant partie définitivement gagnée même s'ils sont parvenus à forcer l'opposition à accepter malgré elle la tenue du référendum.

Le projet de Constitution qu'ils ont soumis au peuple égyptien divise irrévocablement leur société. Une raison qui fait qu'un résultat du référendum étriqué faisant apparaître un trop faible écart de voix entre le « oui » et le « non » risque de relancer le conflit politique qui oppose les deux camps. Spécialistes et observateurs des réalités égyptiennes estiment que si le projet de Constitution est approuvé par moins de 60% des votants, il pourrait devenir le centre d'un « futur conflit sur la validité du système politique qui en découlera ». Qu'en somme l'opposition pourrait s'en prévaloir pour poursuivre sa contestation contre Morsi et le camp islamiste.

A l'inverse, si le « oui » l'emporte avec plus de 60% des votants, l'opposition sera en position difficile pour prétendre être représentative des aspirations du peuple égyptien. D'autant qu'elle a appelé ses partisans à aller voter « non » et qu'elle a été apparemment entendue au vu de la forte affluence électorale constatée samedi.

En Egypte cependant, tout peut advenir d'ici le 22 décembre, jour de vote pour les 27 autres gouvernorats du pays. Les deux camps antagonistes vont d'ici là s'employer à tenter de faire basculer la balance en leur faveur respective. Avec le risque que cela donne lieu à des affrontements et à une situation qui compromettraient la tenue du second tour et partant produiraient un enchaînement d'événements aux imprévisibles conséquences.