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Les désordres de Bamako ferment toutes les options de solution : Le Mali bloqué dans la crise

par Salem Ferdi

Le renvoi musclé du Premier Ministre malien, Cheick Modibo Diarra, par l'intrusion des hommes du capitaine Sanogo, putschiste, qui conserve la haute main sur la vie politique à Bamako, a suscité une vague de condamnation internationale.L'Onu, les Etats-Unis, la Cédéao, l'Union Européenne et la France, grand défenseur de l'intervention militaire, ont dénoncé l'intrusion des militaires dans la vie publique. Les réactions sont suffisamment vives pour que le président intérimaire malien désigne rapidement un remplaçant, en la personne du médiateur de la République Diango Sissoko. La rapidité de la désignation ne fait pas illusion sur le désordre institutionnel qui sévit à Bamako.

Le coup de force du capitaine Sanogo ne facilite pas la tâche de ceux qui défendent au Conseil de sécurité l'idée d'une intervention internationale. L'option était loin de faire l'unanimité comme en témoigne le rapport du secrétaire général de l'Onu sur le Mali. Et le coup de force des ces putschistes qui s'accrochent au pouvoir n'est pas de nature à convaincre ceux qui ont affiché leur scepticisme. Le renvoi sans autre forme de procès, de Modibo Diarra, a montré au monde qu'à Bamako, les putschistes ne sont pas des «ex» mais continuent de tenir en mains les leviers. Il est intervenu au lendemain même où l'Union Européenne a décidé d'envoyer 400 militaires au Mali, pour former l'armée malienne.

L'idée que le capitaine Sanogo a renvoyé Modibo Diarra, par opposition à une intervention militaire, ne résiste pas à l'analyse.

C'est tout simplement une question de pouvoir et Modiba Diarra, homme instruit, n'avait pas tendance à trop se mettre au garde à vous, devant le capitaine.

Il vient de le mettre au pas dans une illustration très africaine de la supériorité du muscle sur l'intellect. Sanogo, le maître de Bamako, n'est pas loin du délire d'Amin Dada. C'est avec cynisme qu'il a déclaré à la télévision malienne que lui et ses nervis n'ont pas contraint Diarra à démissionner.» On ne l'a pas contraint, on l'a juste facilité » en accusant le Premier Ministre renvoyé d'être un « point de blocage» et de n'avoir « égard pour le peuple.» Alors que le conseil de sécurité devait discuter dans les prochains jours du déploiement d'une force internationale, ce coup de force rocambolesque a suscité des réactions choquées.

Le secrétaire général de l'Onu Ban Ki-Moon s'est dit « troublé » et a demandé la « fin de l'ingérence des militaires dans la politique. Le Conseil de sécurité a indiqué que cette intrusion allait à l'encontre des résolutions de l'Onu demandant à ce que les «forces armées maliennes cessent d'interférer dans le travail des autorités de transition» et évoque des «sanctions ciblées contre ceux qui empêchent la restauration de l'ordre constitutionnel et agissent pour miner la stabilité du Mali.»

Le département d'Etat américain a «condamné cet acte perpétré par la junte militaire», l'exhortant à» cesser ses ingérences perpétuelles dans les affaires politiques et gouvernementales maliennes». La porte-parole de la diplomatie américaine Victoria Nuland, a dénoncé un «recul» pour la transition démocratique et promis «probablement des décisions cette semaine au sein du Conseil de sécurité».

La question de l'intervention militaire et de sa viabilité ne peut plus être évacuée devant la situation confuse qui règne à Bamako.

RETOUR AU PREALABLE «BAMAKO»

La haute représentante de l'UE pour les Affaires étrangères, Catherine Ashton, l'admet de manière claire en appelant les « militaires à cesser d'interférer dans la vie politique et à appuyer le processus de transition vers le retour à l'ordre constitutionnel». Elle demande aux autorités maliennes d'adopter rapidement «une feuille de route» prévoyant «la tenue d'élections crédibles», «la réforme de l'armée» et «une stratégie de réunification du pays par le dialogue». C'est le fameux « préalable Bamako » que les défenseurs de l'intervention militaire ont essayé de sauter, qui revient ouvertement. La France qui a condamné les « circonstances» dans lesquelles Cheick Modibo Diarra «a été contraint de démissionner» se retrouve en difficulté et embarrassée par un coup de force qui sert de contre-argument à ses appels à l'intervention militaire. Le président du Burkina, Blaise Compaoré, médiateur régional dans la crise malienne, a souhaité mercredi que le gouvernement qui sera mis en place va « s'atteler avec beaucoup de détermination à assurer un dialogue intérieur beaucoup plus fécond, à mobiliser réellement l'ensemble des composantes politiques et sociales du Mali pour gérer cette crise, mais aussi à se mettre à notre disposition dans le processus de paix,»a-t-il expliqué. Il faut, a-t-il déclaré, « dégager très rapidement un plan de paix pour amorcer une fin de crise, qui commence à vraiment durer», au nord du Mali. En réalité, l'instabilité politique à Bamako soulève des questions graves. Pas plus l'intervention d'une force internationale que le dialogue inter-malien ne paraissent possible à l'ombre du fantasque capitaine Sanogo.