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Les 100 jours du
gouvernement Sellal ont révélé une petite ligne de césure dans la conduite de
la politique économique. Avec dans le rôle de continuateur de l'esprit LFC
2009, Karim Djoudi, le ministre des Finances. Et dans celui d'initiateur de
l'inflexion pragmatique, Chérif Rahmani, le ministre de l'Industrie et de la
Promotion de l'investissement. Duel entre conservateur et réformateur ou simple
jeu d'ombres pour esquisser l'illusion d'un mouvement ?
Rien n'oppose dans la vie Karim Djoudi, le ministre des finances, et Cherif Rahmani le ministre de l'industrie. Ils se fréquentent cordialement depuis de nombreuses années dans les gouvernements successifs, n'ont pas d'inimitiés déclarées et ne sont pas concurrents directs en politiques. Il reste que le départ de Ahmed Ouyahia de la tête du gouvernement et l'arrivée de leur collègue, Abdelmalek Sellal, a libéré une expression plus autonome de leur avis sur la politique économique du gouvernement. Et les deux ministres se sont retrouvés le premier à défendre le temple de la loi de finances complémentaire de 2009, le second à suggérer des ouvertures. Il en faudrait plus que cela pour parler de clivages dans la maison Sellal. Cherif Rahmani n'a pas la réputation de mettre en danger sa carrière politique pour ses idées. Et Karim Djoudi ne laissera pas le souvenir d'avoir été le ministre des finances le plus brave face aux injonctions de son premier ministre, ou de la présidence de la république. Depuis trois mois, Karim Djoudi n'a cependant pas montré le moindre signe d'inflexion sur les principaux dossiers qui pourrissent le climat des affaires en Algérie. Il a même affiché un certain zèle à défendre l'application systématique du 51/49 dans l'investissement étranger en Algérie et le recours au droit de préemption rétroactif notamment dans l'affaire Djezzy. Le ministre des finances s'est même empressé d'évoquer ce droit de préemption en réponse à une question de journaliste sur la montée de QTEL dans le capital de Watania, faisant de Nedjma une propriété totalement Qatarie. Mal lui en a pris, il avait oublié les amitiés kalijites de son président de la république. Karim Djoudi agît également en défenseur de la politique du statut quo des années 2008-2012 sur d'autres fronts: le gel de la réforme du secteur financier, la perpétuation du recours à la lettre de crédit, le non respect du dispositif de rééchelonnement de la dette fiscale des entreprises endettées convenu en septembre 2011. Un témoin présent à la récente réunion tripartite a même relevé que Karim Djoudi s'est tenu par deux fois la tête «dans un réflexe nerveux», lorsque à chaque fois Abdelmalek Sellal s'engeait à détricoter un des dispositifs contraignant pour le secteur privé. «Dites moi ou ça cale ?», la fameuse interpellation lancée par le premier ministre aux représentants du patronat pourrait vite avoir comme réponse « à côté de vous, au ministère des finances, pour commencer». CHERIF RAHMANI S'ATTAQUE A L'HERITAGE TEMMAR «Le zèle réglementaire du ministre des finances, n'est pas une initiative personnelle» estime un chef d'entreprise qui connait bien les allées du pouvoir ; «Djoudi a appliqué les orientations présidentielles anti-étrangers et anti privés depuis 2008. Pour lui si le président n'a encore rien dit ou fait à ce sujet, ce ne sont pas les gesticulations de son premier ministre Sellal qui vont lui faire changer d'attitude». Une prudence que Cherif Rahmani n'a pas jugé nécessaire d'avoir pour le moment. Arrivé à la tête d'un département qui a été longtemps celui de Abdelhamid Temmar, un homme proche du président, l'ancien ministre de l'environnement a, lui, choisit d'évaluer la stratégie industrielle léguée par le précieux et velléitaire professeur dans le but à peine caché de l'envoyer à la casse. Cherif Rahmani a mis en place des ateliers de travail ou figurent consultants peu connus pour leur complaisance avec les politiques publics, représentants du FCE et cadres en réserve du secteur public. Le concept déroutant de la copie Temmar, «reconstruire l'industrie algérienne autour d'une douzaine de champions publics» est en «danger» d'être remisé dans les cartons qu'il n'a jamais quitté du reste. Le président du FCE, Réda Hamiani a régulièrement dénoncé cette vision passéiste de la stratégie Temmar qui consiste à réduire les entreprises privés à des compléments voir des sous traitants de grandes entreprises publiques qui détiendraient l'essentiel du dynamisme industrielle algérien. De fait Cherif Hamiani lui a fait écho. Il devrait en sortir une nouvelle feuille de route pour le développement industriel qui reposera plus clairement sur l'investissement privé et aussi sur les IDE qui apportent technologies et normes modernes de management. Le porte à faux avec le pointilleux Karim Djoudi est là. Il pourrait se creuser dans les mois qui viennent si le ministre des finances estime que pour plaire au président Boutéflika, il ne faut surtout pas parler comme Cherif Rahmani. |
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