Deux frères imprimeurs ont expliqué jeudi devant la justice française et
les parties civiles algériennes pourquoi ils avaient accepté de contrefaire des
dinars algériens sur du papier fiduciaire issu du vol en 2006 d'un important
stock destiné à la Banque d'Algérie. Les traits tirés, Olivier Dunand, 42 ans,
qui comparaît libre, a raconté devant les assises du Rhône (centre) comment il
avait été approché en mars 2009 par son voisin, Thibault Chocat, un brocanteur
de 29 ans, jugé à leur côté, avec dix autres accusés. Mais il assure n'avoir
jamais "imaginé" que les bobines de papier fiduciaire fournies par
Chocat provenaient du vol spectaculaire de Marseille, en novembre 2006 : 44
rouleaux de papier fiduciaire destinés à imprimer plus de 17 millions de
billets de 1.000 dinars algériens, soit près de 180 millions d'euros.
"Impuissant" face à ses dettes et sur le point de "péter
un câble", celui qui a été "soulagé par son arrestation" accepte
alors de jouer les faussaires, tout en sachant qu'il "n'est pas taillé
pour ça et que ça va capoter", d'autant que son unique interlocuteur
semble lui-même "dépassé". "Il ne faut pas que l'Etat algérien
se sente agressé", déclare-t-il à l'adresse des deux représentants de la
Banque d'Algérie, assis sur le banc des parties civiles. "On m'aurait
proposé de faire des euros, j'aurais été encore plus heureux", assure
celui qui voulait s'attaquer au "symbole de l'argent tout puissant".
Les premiers essais de faux billets n'étant guère satisfaisants, Thibault
Chocat leur fournit de l'encre fluorescente ne réagissant pas aux ultraviolets
et rendant encore plus difficile la détection de contrefaçon. Ils livrent un
premier lot de 100.000 faux dinars, écoulés sur la région parisienne, puis un
second de 228.000 coupures, en septembre 2009. Mais ils affirment n'avoir
imprimé que deux bobines. "Ça n'allait jamais! Il fallait toujours refaire
pour avoir une chance d'être payés, les négociations changeaient tout le
temps", dira à la barre Olivier Dunand. Il "aurait aimé se faire
100.000 euros pour lui, et 100.000 euros pour sauver l'imprimerie". Il n'en
touchera que 15.000. Et encourt 30 ans de réclusion criminelle.