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C'est en Egypte que cela se
passe aujourd'hui: ce pays post-dictature est en train de démontrer quelque
chose d'inattendu dans le monde dit «arabe»: les islamistes ne sont pas
capables de faire de la politique mais seulement du Califat en sourdine. Deux:
les opinions des pays dits «arabes» ne sont pas totalement islamisées,
vaincues, défaites, fatalistes. Trois: une révolution est d'abord une vigilance
de tous les jours et plus encore des jours qui suivent la chute du dictateur.
L'Egypte qui a renversé Moubarak est passée par la phase des militaires comme
tuteurs et elle a pu les vaincre. Elle passe aujourd'hui par la phase de
l'illusion islamiste qu'elle est en train de vaincre et de subir. Cela est un
signal fort et un moment de l'histoire que nous Algériens, devons suivre et
analyser et comparé avec notre post-islamisme douteux, fabriqué par le régime
et pas par nos bras, mis en attente et travaillant encore la société. Cela est important
pour nous faire réapprendre la mobilisation, la vigilance mais aussi la
possibilité d'agir sur les choses au lieu de les porter sur le dos et d'en
gémir. Cela est important pour laisser entrevoir des possibilités d'avenir qui
ne soient pas une équation toujours fermé entre régime policier ou Ayatollah
élus.
Vingt ans plus tôt, il s'agissait de nous. Mais avant Internet, avant les satellites, avant l'image et le son et dans la solitude: Octobre 88 avait été volé par le Fis, écrasé par l'Armée puis lentement défait par les années 90 et le retour du régime à sa place. En Egypte, cela ne semble pas suivre cette voie. Le plus intéressant reste cependant ce pronostic déjoué: les anti-islamistes, de tous bords n'ont pas été défaits et ne baissent pas les bras devant la «Confrérisation » de leur pays et la mise en place d'une dictature religieuse califale. Ils se battent, encerclent leurs encerclements et étonnent un peu, les lectures définitives par pierres tombales interposées. La Tunisie a inventé le printemps «arabe», l'Egypte semble inventer la post-révolution permanente. Quel fait se passe-t-il donc en Egypte ? Les élites se mobilisent contre un nouveau régime qui se met en place. Une sorte d'iranisation du pays avec un Président «religieux», une confrérie qui joue au gouvernement de l'ombre, un numéro 1 des «Frères musulmans» qui s'installe dans le rôle de l'Ayatollah Guide suprême comme le fait Ghannouchi en Tunisie. Les islamistes démontrent, dans ces deux pays, ce qu'ils pensent du pluralisme, de l'Etat républicain, des libertés civiles. Ils y démontrent qu'ils ne peuvent pas «jouer» le jeu de la démocratie mais seulement l'utiliser pour accéder au Pouvoir. Ils y prouvent, pour ceux qui n'ont pas compris, que le projet final n'est pas un Etat fort mais un émirat religieux destiné à rejouer l'utopie imaginaire de l'âge d'or et de la Médine prophétique. Le Pouvoir, ils ne peuvent pas le rendre ni le partager parce que pour eux, c'est Dieu qui le leur a donné, pas les électeurs. La mise est énorme donc en Egypte : ce pays, ses élites progressistes, de gauche ou pas, peuvent prouver que l'on entre dans le post-islamisme ou que cet islamisme va vaincre par la logique de la force. Dans les deux cas l'Egypte prouve que les islamistes sont un danger: dans le maquis ou dans les institutions. Que le Califat est une arnaque. Que la fin du monde n'est pas pour demain. Qu'un barbu n'est pas l'envoyé de Dieu. Que c'est possible. Et quand la religion devient trop collective, le pouvoir devient aussi trop personnel. |
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