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Un tour d'horizon politique

par Fouad Hakiki*

Ils ont voté, et puis : après ? Cela changera-t-il ? Les Algériens sont, comme à leurs habitudes, extrêmement dubitatifs. Les résultats sortis des urnes du 29 novembre 2012 ont parlé pour eux.

Primo : En nous limitant seulement aux élections municipales car nous n'avons pas trouvé de concordances entre celles des APC et des APW : pour les premières, nous avons près de 7 millions et demi de voix exprimées ; et, pour les secondes : 6.836.230 voix exprimées ? pour un même nombre de votants qui est : 9.494.003.

Cela donc donne : un taux de participation de: 44,27%, légèrement supérieur à celui de 2007 : 44,09%. Le taux de participation aux élections APW est par contre inférieur : 42,84% en 2012 contre 43,45% en 2007 ? cette donnée a été tue (sic) par notre ministre de l'Intérieur.

Afin d'avoir une véritable image de l'intérêt des Algériens pour les élections municipales, nous devons en vérité ne prendre en compte que les voix exprimées : sur 18.446.627 inscrits en 2007, seuls 7.002.984 Algériens se sont exprimés en 2007, soit un taux réel de participation de 38,07%. En 2012, nous avons 21.445.621 inscrits et 7.489.456 voix exprimées, soit un taux réel de participation de : 34,92%. Ces données vont à l'encontre des propos tenus officiellement par les autorités.

Secundo : Tout gouvernement s'appuie sur des forces politiques qui lui assurent la majorité parlementaire. Jusqu'au dernier remaniement ministériel, l'Alliance présidentielle (composée du FLN, RND et MSP) constituait cette majorité. Depuis, elle a volé en éclats et chacune de ces formations a vu naître en son sein des courants politiques dissidents. Aucune n'a réussi, jusqu'à ce jour, à les contenir et accepter une pluralité d'opinions organiques ? les motions politiques ? qui permettraient d'élargir sa base militante et renforceraient sa démocratie interne ? bien au contraire : la greffe de cet esprit démocratique en interne n'a pas réussi, et nous assistons au triste spectacle des exclusions, et par conséquent à l'érosion de leurs représentativités au sein de l'opinion nationale.

Ceci s'exprime d'une façon extrêmement simple : l'Alliance présidentielle a capté en 2007 : 25,20% des voix inscrites (en milliers : FLN, 2.205 ; RND, 1.602 et MSP, 842).

En 2012, nous avons (toujours en milliers) : FLN 2.232 ; le RND, 1.800 ; et le MPA (le nouveau parti du pouvoir), 525. Soit un taux de : 19,86%.

Et même si l'on inclut Alliance Verte, 228 mille et les «indépendants», 276 mille voix, on atteindra: 23,60%. Un fort recul donc de la base sociale du régime (que nous avons déjà constaté précédemment : lors des élections législatives ? Voir notre Article publié ici même : «De Messieurs 13% à Messieurs 10% ?»).

Tertio : Cette bérézina électorale de la majorité gouvernementale est-elle une sanction du pouvoir ? Au plan purement statistique, «y a pas photo !» : le corps électoral a augmenté entre 2007 et 2012 de 3 millions de voix : les voix exprimées d'un peu moins d'un demi-million, les partis au pouvoir sont passés de 4 millions 649 mille (en 2007) à 4 millions 557 mille (en 2012), donc une érosion électorale.

Mais les statistiques ? comme les maillots ? cachent l'essentiel (disait-on de mon temps) ! C'est, bien sûr, le refroidissement climatique (de ce «funeste jeudi» électoral) qui aura bon dos et sera rendu responsable du peu d'engouement des Algériens. Or, ce même jour, on a eu au moins une surprise : la publication dans le Journal Officiel d'une redéfinition de prérogatives des dirigeants du Ministère de la Défense.

Et chacun s'inquiète : «que nous préparent-ils (encore) ?» !

Est-ce là ce que le «maillot» cachait ? Je ne saurais le dire.

* Docteur d'Etat en sciences économiques