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C'est un journal algérien, El Khabar, qui en parle :
Benflis, l'ancien chef de gouvernement, et les siens ont pris un café ensemble,
ont parlé de l'avenir et ont conclu que Benflis va être candidat aux prochaines
présidentielles. L'article a sûrement fait hier le tour d'Alger et des kasmate
et des cellules FLN et pas seulement. Le politique en Algérie est l'enfant
unique du soupçon : un homme debout, en plein désert, n'est jamais seul. Il y a
toujours des gens derrière lui. C'est le syndrome de la guerre de libération :
derrière la plaine, règne en silence le maquis. Qui est derrière Benflis ? dit
la maladie nationale. Pourquoi sort-il de son silence maintenant ? Qui l'a
encouragé à sortir de sa tombe aménagée ? La collection est longue et elle
n'est pas importante. C'est juste une maladie de l'esprit algérien, ou pas.
L'essentiel ? C'est un mot : «les garanties». La vie politique réelle raffole de ce mot qui mêle à la fois l'ombre, le salon, l'officine, l'état-major, les tuteurs de la nation, les «services», le doute, les tractations? etc. Le champ lexical est vaste et la lumière petite. Donc, encore une fois, si cet article est fondé, Benflis parle encore de «garanties». Lui que ce mot a tué dans le dos la dernière fois et qui l'a Abanisé, disgracié, trompé, roulé, eu, vendu et soldé. C'est vous dire que le mythe politique Algérie est encore fondé sur cette notion de garantie, vaste urne sans poignées, sans ouverture, sans adresse. Le mot garantie accrédite l'idée d'un groupe de tuteurs qui sélectionne les candidats, les adoube, les bénit ou s'en sert pour attirer les moutons comme on l'a fait de Benflis la dernière fois qu'il était vivant et important. D'ailleurs le cri outré de Benflis, la dernière fois, est un chef-d'œuvre de naïveté politique, mais aussi de tragique algérien : on m'avait donné des garanties. Ce ne sont pas vous qui élisez mais les garanties et un avion et quelques cafés lourds. «Les garanties» votent, élisent, décident. Puis le peuple arrive et remplit. L'avion apporte et le pays continue. Donc cette fois, la «garantie» a déjà fait une victime supposée : Benflis. On lui aurait garanti que Bouteflika n'allait pas se présenter. C'est tellement gros que l'on espère que l'article est juste une hypothèse, pas un compte-rendu. Un homme qui se fait mordre deux fois au même endroit n'est pas un homme, mais un steak. On ne doit pas retenir cette information, mais seulement le mot «garanties». Il est magnifique et profond : abyssal et désespérant. C'est la vraie Constitution du pays, assurée par le Conseil national des «garanties». Sans adresse, sans membres connus mais très efficaces. C'est parce que ces «garanties» n'étaient pas suffisantes que Bouteflika a fui en 1994. Conclusion : il ne faut pas en vouloir à Benflis et à ceux qui pensent comme lui. Ils savent ce que pèse ce peuple quand il s'agit de choisir un Dey. Vaut mieux donc des «garanties» que des millions de voix. Et le mot «garanties» est la preuve vivante que nous sommes tous des morts. Un seul héros : le peuple. Un seul électeur : ce n'est pas le peuple. |
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