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Morsi contesté, l'intervention de l'armée évoquée : L'Egypte retient son souffle

par Salem Ferdi

La crise politique dans laquelle est plongée l'Egypte à la suite de la déclaration constitutionnelle émise jeudi par le président Mohamed Morsi par laquelle il s'octroyait des pouvoirs exorbitants va-t-elle se résoudre par un recul du chef de l'Etat ? Rien n'est sûr. L'opposition veut un recul en bonne et due forme du président. Ses proches évoquent un compromis. Aujourd'hui des manifestations et des contre-manifestations sont prévues. A grand risque

Le président égyptien a rencontré, hier, le Conseil suprême de la justice pour essayer de chercher un compromis à la veille des manifestations et de contre-manifestations qui risquent de déraper. Mohamed Morsi a réaffirmé que les mesures prises dans le cadre de la déclaration constitutionnelle étaient de nature «provisoire», sous-entendant qu'il s'agissait uniquement d'accélérer le processus démocratique. Mais l'argument a laissé de marbre les opposants politiques et les juges qui ont entamé des mouvements de protestation. Les intentions du président ne pèsent pas grand-chose devant le fait qu'il se place hors de tout contrôle légal en décidant que ses décisions ou lois ne pouvaient être contestées devant la justice. Le président, qui dispose déjà du pouvoir exécutif et législatif, s'est octroyé la possibilité de prendre toute mesure qu'il jugera nécessaire pour la «défense de la révolution». La formulation est tellement léonine et effrayante. D'autant que la même déclaration constitutionnelle a décidé que la Haute Cour constitutionnelle ne pouvait plus examiner les recours contre la commission chargée de rédiger la future Constitution. Mohamed Morsi se donnait ainsi le pouvoir d'imposer la Constitution à la hussarde et d'entraver les recours des opposants. L'affaire a été jugée suffisamment porteuse de dangers pour que de nombreux Egyptiens y voient une régression et un retour au régime de Moubarak avec le label des Frères Musulmans.

L'ARMEE DANS LES RUES ?

Le ministre de la Justice, Ahmed Mekki, a laissé entendre qu'un compromis était possible. Selon lui, le président Morsi est disposé à limiter le champ de ses décisions qui échapperaient à tout recours en justice. Il reste que les juges ne baissent pas les bras. Un recours en annulation de la déclaration constitutionnelle a été déposé et il devra être examiné le 4 décembre par le tribunal administratif. L'annonce en a été faite par Abdel Meguid al-Moqannen, le chef-adjoint du Conseil d'Etat qui a fait état d'une douzaine de plaintes déposées devant la justice, notamment celle du chef du Club des juges Ahmed al-Zind. L'opposition politique ne baisse pas les bras non plus, à l'image de Mohamed El-Baradei qui réclame un «retrait pur et simple» des dispositions donnant des pleins pouvoirs au président Morsi. Il a laissé entendre que l'armée pourrait descendre «à nouveau dans les rues pour empêcher le chaos et protéger la patrie».

Hier, des manifestations ont encore eu lieu place Al-Tahrir où les manifestants ont dressé des tentes et campent depuis vendredi dernier. Des affrontements ont également eu lieu dans plusieurs quartiers de la capitale. Dimanche, un jeune islamiste a été tué devant une permanence des Frères Musulmans à Damanhour (delta du Nil). De nombreux locaux de la puissante confrérie ont également été attaqués ces derniers jours. C'est une journée dangereuse pour l'Egypte.