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L'Egypte est sous
haute tension politique. Les juges sont en état de désobéissance civile, les
journalistes sont en grève, les forces d'opposition fulminent, la Bourse du
Caire plonge, traduisant la frayeur des investisseurs étrangers, la rue gronde,
Place Al-Tahrir est redevenue le centre de ralliement des contestataires.
Les affrontements ont eu encore lieu, hier dimanche, près de la place Al-Tahrir où les opposants aux décisions constitutionnelles « pharaoniques » du président Mohamed Morsi se sont installés. L'effervescence politique a un impact également sur le fonctionnement de la Ligue arabe qui a décidé de transférer les réunions des ministres arabes de la justice, prévues ce lundi, vers un hôtel de la banlieue du Caire. A l'appel des forces de l'opposition, les manifestants dressent des dizaines de tentes où ils campent depuis vendredi en prévision d'une grande manifestation. Des affrontements entre manifestants et policiers ont eu lieu, hier, dans plusieurs villes d'Egypte. Le bilan provisoire est de plus d'un demi-millier de blessés, depuis le début de la contestation vendredi dernier. La situation est susceptible de dégénérer avec l'entrée en lice des Frères Musulmans, dans des contre-manifestations pour soutenir le président Morsi. Les spin doctors du président islamiste, ont de toute évidence sous-estimé les réactions. Ils ont cru, avec beaucoup d'opportunisme politique, que le contexte de la réalisation d'une trêve à Ghaza était propice pour s'approprier de tous les pouvoirs. Et surtout se mettre à l'abri de toute contestation des décisions du président devant les juges. MONARQUE ABSOLU L'expression « pharaon » sortie automatiquement de la bouche des opposants n'a rien d'une exagération : la « déclaration constitutionnelle » signée le 22 novembre par Mohamed Morsi, en fait un monarque absolu, un dictateur, disent les opposants qui ne jouent pas sur les mots. Officiellement, cet élargissement des pouvoirs présidentiels a pour noble but d'accélérer les réformes démocratiques et de doter rapidement le pays d'une Constitution. Mais dans une transition difficile où des pans entiers de la population ont des appréhensions sur les intentions des islamistes au pouvoir, cette neutralisation du recours devant les juges ?le seul qui reste- a été appréhendée comme un tournant insupportable, une remise en cause de l'esprit même de la révolution. C'est tout simplement Mohamed Morsi qui se drape du costume de Hosni Moubarak avec, en prime, le soutien d'une partie de la rue et d'une puissante organisation politique. QUE VA FAIRE MORSI ? Mohamed Morsi va-t-il s'entêter ou bien reculer comme le lui demandent les opposants ? Hier, il discutait avec ses conseillers, dont certains ont choisi de démissionner. Mais la tension est vive et les risques de violences entre « pro » et « anti » Morsi sont réels si rien n'est fait pour désamorcer la crise. La Bourse du Caire a chuté hier de près de 10% au premier jour de sa réouverture, après la publication, jeudi soir, du décret Morsi. C'est la plus forte chute depuis les jours mémorables de février 2011 qui ont conduit à la chute de Hosni Moubarak. Les investisseurs n'aiment pas l'instabilité. L'opposition égyptienne ne peut pas reculer et concéder ainsi un pouvoir absolu au président. Il lui revient de désamorcer la crise qu'il a lui-même provoquée. Mohamed El Baradeï, le dit clairement en rameutant les capitales occidentales contre Mohamed Morsi. « Il n'y a pas de place pour le dialogue lorsqu'un dictateur impose les mesures les plus oppressives et détestables qui soient » a-t-il déclaré,en demandant une « déclaration très ferme de condamnation de la part des Etats-Unis, des Européens et de tous ceux qui ont vraiment à cœur la dignité humaine». L'Egypte est de nouveau sous très haute tension et sous les regards extérieurs. |
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